L’industrie française du cinéma déjoue tous les pronostics

Menacée par l’arrivée du numérique et des nouvelles formes de diffusion, l’industrie française du cinéma connaît pourtant une vitalité sans précédent, grâce à une offre dense et un réseau de distribution développé.  

«Il existe un paradoxe : il n’y a jamais eu autant d’offres culturelles alternatives au cinéma et pourtant, la fréquentation atteint l’un de ses plus hauts niveaux depuis 50 ans»: voilà comment Benoît Danard, directeur des études au Centre nationale du cinéma et de l’image animée, décrit la situation actuelle de l’industrie du cinéma dans l’Hexagone. La France possède le plus grand parc de salles obscures en Europe avec 9 écrans pour 100 000 habitants. A l’inverse de l’Italie ou de l’Allemagne, la politique française en matière de cinéma a toujours soutenu le secteur.

Il y a clairement un lien entre l’offre et le lieu de distribution. «La presse a pâti de la disparition progressive des kiosques. A contrario, si le livre a survécu, c’est grâce au maintien du parc de librairies», assure Françoise Benhamou, économiste spécialiste de l’économie de la culture et du numérique. Et depuis la première projection à Lyon en 1895 ou le premier studio mondial de fabrication créé à Montreuil par Georges Méliès, le cinéma semble durablement implanté sur le territoire.

Le contre-effet du numérique

L’arrivée de Netflix en 2014 et des services de vidéos à la demande n’a pas réellement perturbé la fréquentation. Au contraire, le développement des nouvelles technologies du numérique a eu un contre-effet. Les consommateurs du grand écran privilégient les séances dans les salles. «Aller au cinéma, ce n’est pas que consommer un film, c’est une relation sociale», avance Benoît Danard: 90% de séances de cinéma sont vécues à plusieurs. Pourtant, tous les éléments sont là pour menacer le cinéma. «Netflix vient bousculer le modèle français. On doit se projeter sur l’avenir» explique Grégory Faes, directeur général d’Auvergne-Alpes Cinéma. L’année dernière, c’est Canal Plus qui amputait 35 millions d’euros au budget qu’il alloue chaque année au 7e art. 

Chez les particuliers, les écrans sont de plus en plus grands  mais créent en même temps le besoin du monde réel. «On peut tout faire à domicile mais la consommation est beaucoup plus individuelle avec les plates-formes de vidéos en ligne», affirme Laurent Creton, professeur à Paris 3 et auteur de nombreux articles et ouvrages sur les marchés du cinéma. Pour répondre à ces avancées, le parc de salles doit sans cesse se renouveler. Notamment en proposant la 3D et plus récemment la salle de cinéma 4DX qui intègre odeurs, effets et fauteuils qui bougent.  «La réussite dépend de la modernisation. Il faut savoir bien accueillir le spectateur», prévient Laurent Creton. 

Une offre spécifique 

Pour continuer à attirer les spectateurs, l’industrie du cinéma a mis en place plusieurs dispositifs. Les salles labellisées art et essai, qui représentent près de 60% du parc, proposent une programmation diverse avec de nombreux films indépendants. 56 accords de coproduction ont été mis en place avec plusieurs pays en Europe et ailleurs. Conséquence : certains films étrangers vont faire plus d’entrées en France que dans leur pays d’origine.

L’offre est elle, pléthorique : 716 films inédits et 7600 au total ont été projetés l’année dernière dans toutes les salles de France. Avec 36% de parts de marché, les films français restent fortement plébiscités par les spectateurs derrière les films américains. A ceux qui pointent du doigt le manque des rentabilité des productions , Benoît Danard insiste sur le fait «que le film a une durée d’exploitation longue de 10 ans, avec les sorties en salles, en DVD, à la télévision et la vidéo» avant de rajouter : «si ça ne s’équilibrait pas, il n’y aurait plus de production.»