Le pari incertain des Objectifs de Développement Durable

Censés prolonger et améliorer les Objectifs du millénaire pour développement (OMD), les Objectifs de développement durables (ODD), instaurés il y a deux ans, peinent encore à irriguer les différentes politiques de développement économique, social, et environnemental. Mais les promoteurs du projet, dont certains étaient présents lors de la table-ronde, restent confiants sur l’efficacité à long terme  des « Objectifs de Développement Durable ».

D’après une étude de juin 2013, portant sur 2000 personnes démunies, des citoyens engagés, et des responsables des Nations-Unies parmi 12 pays, le constat est implacable : les OMD n’ont pas atteint les plus pauvres. « Pour beaucoup de gens les choses n’ont pas changé. Chez certains, la crise dure depuis des décennies », assure Thierry Viard, Secrétaire exécutif du Mouvement international ATD Quart-Monde. « A Manille, beaucoup d’habitations informelles ont été détruites par les autorités. Les déplacements forcés ont renforcé la pauvreté, de même que les enfants ne peuvent plus aller à l’école ».

Les ODD, un complément plus abouti

En 2000, huit objectifs assez précis avaient été formulés. Parmis eux, l’amélioration de l’éducation, de la santé… « Cet agenda à destination des pays du Sud a eu des changements majeurs sur la manière de faire de la coopération pour le développement. Mais lorsqu’on a repris les OMD en 2015, on s’est rendu compte qu’ils n’ont pas été aboutis ». Les ODD mis en place ne se sont pas contentés de réintroduire ces défis au sein d’un nouvel agenda. Ils les ont complété via des cibles plus précises et qualitatives. « L’éducation était par exemple très axée sur l’alphabétisation. Les ODD vont y ajouter l’accès à l’éducation, la qualité des programmes ».

Outre ces apports, deux autres nouveautés caractérisent les ODD. L’une concerne l’aspect universel du projet. Alors que les OMD étaient uniquement à destination des pays du Sud, les défis englobent tous les pays membres des Nations Unies. L’autre apport concerne la dimension environnementale. Se développer, oui. Mais pas à n’importe quelle condition.

Les Objectifs de développement durable en chiffres :

  • 160 cibles identifiées

  • 240 indicateurs mobilisés

  • 17 objectifs retenus

Des engagements à mettre en oeuvre par les politiques

L’accord final passé par les Nations-Unies sur les ODD en 2015 est censé prendre en compte toutes ces notions. Afin de favoriser leur mise en place, les initiateurs du programme veulent interconnecter les ODD entre eux. « Il est difficile de traiter les questions de santé sans celles d’éducation », décrypte Julie Vaillé, chercheur senior à l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI). « Chaque ministre doit être capable de travailler avec les autres sur ces questions. Ce changement de mode de pensée est fondamental ».

Mais cela ne suffit pas. « Tout va se jouer dans la mise en œuvre des déclarations prises. On a l’habitude des beaux discours. Maintenant il faut faire pression pour que les Etats honorent leurs engagements », assure Thierry Viard. Car en deux ans, ces ODD n’ont pas encore eu le succès escompté, notamment auprès des politiques. En France, les ODD ont été perçues comme un trop gros pari politique pour être intégrés aux différents programmes des candidats à la présidentielle. Le timing de son instauration n’a pas non plus joué en sa faveur. La proximité avec l’accord du programme de la COP21 a rapidement éclipsé les défis proposés. Lorsque Julie Vaillé demande au public de lever la main afin de savoir qui avait déjà entendu parler des ODD, la quelque vingtaine de doigts en l’air confirme le manque de publicité de l’agenda.

« Il faut prendre le temps d’expliquer de quoi il s’agit au public, et comment s’en servir. Cela donne un état des lieux d’un pays, une photographie. On peut voir où en est la France sur certains aspects de sa politique ». Un simple graphique à l’appui permet ainsi de noter qu’en France, les tendances sont mauvaises sur le social et l’environnement. « Cela permet de donner des priorités. A titre d’exemple, la Suède met ses réformes en place grâce à ces indicateurs ». En attendant, la première des priorités reste d’introduire ces accords dans le débat public.

Romain Métairie.