
Un an après l’élection de Donald Trump, quid des leaders populistes européens ? Cherchant à incarner la « revanche » du peuple contre ses élites, ils s’appuient sur une base disparate, dont l’origine est difficile à analyser. Qui est l’électeur idéal pour un candidat populiste ? Et la situation économique, à elle seule, peut-elle expliquer le vote contestataire ?
« Le sujet idéal du totalitarisme , écrivait Hannah Arendt, c’est l’homme pour qui la distinction entre fait et fiction n’existe plus. » Une définition qui s’applique aux sujets de l’étude présentée par l’économiste Emeric Henry lors d’une conférence sur les liens entre économie et populisme. « Même si le fact-checking permet de corriger les fausses informations dans une certaine mesure, l’effet du mensonge sur l’opinion, lui, n’est pas affecté par la correction »
En clair, si les « fake news » renforcent ceux qui s’en servent comme autant d’armes idéologiques, les vérifier et les dénoncer est inefficace, voire contre-productif. « Notre discours ne peut plus seulement être structuré autour de chiffres ou d’études. Nous avons besoin de plus de récit collectif, d’un véritable débat d’idées » conclut le chercheur.
Un vote, une multitude d’identités
Le sujet idéal du populisme, lui non plus, n’est pas identifié par des marqueurs politiques ou sociaux, comme le note l’économiste Paul Seabright. « On voit bien dans le cas de l’élection américaine que les électeurs de Trump ont des identités multiples : des personnes éduquées, des femmes, des latinos ont été convaincus par son discours malgré ses insultes contre certaines de ces catégories » précise-t-il.
Loin du cliché laissant croire que les électeurs de Trump sont issus des populations rurales mal éduquées, l’analyse laisse voir que l’électorat du milliardaire traverse les strates de la société. « Cette répartition répond à des identités qui ne sont plus uniques, mais multiples », complète Seabright. « En fin de compte, nous prenons une décision en fonction de l’une de ces identités, qui paraît ponctuellement plus importante que les autres. »
Une explication économique, mais pas seulement
Alors qu’on aurait tendance à croire que des circonstances économiques particulièrement difficiles puissent renforcer le vote populiste, des raisons non-économiques, « culturelles », entrent en jeu. « Des populations entières ont été déclassées par la mondialisation et le progrès technique qui détruisent des emplois, détaille Charlotte Cavaillé, mais, dans le cas du Brexit, les Britanniques n’ont aucun problème avec le libre-échange : ils estiment avoir un problème avec le plombier polonais. »
Un résultat confirmé sur le terrain par Régis Sauder, réalisateur de Retour à Forbach, un film revenant sur la campagne de Florian Philippot dans la ville lorraine : « Sur le terrain on est passé d’une logique de classe à une logique de race. »
Bertrand Mallen