
Souvent brandie pour expliquer les votes extrêmes, l’idée d’une fracture territoriale entre les grandes métropoles et le reste du pays s’est enracinée dans le débat public. Une affirmation contestée par les intervenants de la conférence « Les régions riches doivent-elles aider les autres ? ».
Depuis son arrivée à l’Elysée, Emmanuel Macron peine à se défaire d’une image de « président des villes ». Une expression qui repose sur l’existence d’une fracture territoriale entre les grandes villes, les plus petites et les campagnes. En somme, le niveau de vie des individus augmente avec la taille de la ville où ils habitent. Logique. Et pourtant, si l’idée d’une fracture territoriale revient sans cesse dans le débat public, ses fondements sont pour le moins discutables.
« En fait, le salaire réel moyen (le pouvoir d’achat par habitant, ndlr) à Paris est inférieur de plus de 20% à la moyenne des villes », explique Pierre-Philippe Combes, économiste au CNRS. Contrairement à une idée reçue, le pouvoir d’achat est en effet plus faible lorsque la taille de la ville augmente. « Dans 45 villes de plus de 100 000 habitants – ce qui représente la moitié de la population française – le salaire réel moyen est inférieur à la moyenne », précise le chercheur.
Les grandes villes défavorisées ?
Et pourtant, le revenu par habitant est plus élevé dans les grandes villes françaises. Mais se contenter de cet indicateur, c’est oublier de prendre en compte le coût de la vie, qui augmente fortement avec la taille des villes. « Par exemple, dans les plus petites villes françaises, les gens consacrent 10% de leurs revenus au logement, poursuit Pierre-Philippe Combes, dans les grandes villes, cette part atteint 30-35%. »
Peut-on pour autant affirmer que les grandes villes sont défavorisées ? « Il faudrait redistribuer une partie de la richesse des petites villes vers les plus grandes », lance d’un ton provocateur le chercheur avant de revenir sur ses propos : « En fait, on ne peut pas en déduire cela car ce raisonnement ne prend pas en compte les aménités urbaines (possibilité d’aller au cinéma, dans des bars, etc.). »
Une fracture entre régions
Faut-il pour autant abandonner ce concept de fracture territoriale ? Clairement non, mais il faut plutôt la projeter ailleurs. Notamment sur le terrain des disparités entre régions, comme l’explique Clément Dherbécourt, chef de projets à France Stratégie : « Pour un enfant d’ouvrier, la probabilité d’ascension sociale est beaucoup plus élevée en Ile-de-France et en Bretagne que dans le Nord-Pas-de-Calais. » En cause notamment : les taux d’accès à l’enseignement supérieur.
« On en arrive à la conclusion qu’il existe bel et bien une fracture territoriale entre certaines régions, poursuit Clément Dherbécourt, une partie du Grand Est, le pourtour méditerranéen et les Hauts-de-France sont particulièrement défavorisés. » Des inégalités que l’intervenant de cette table ronde propose de dépasser par des politiques ciblées sur les individus plutôt que par transfert de richesses entre régions.