
Négociable, le prix des médicaments ? La réponse est oui, en tout cas avant de les retrouver en pharmacie à un tarif fixe. C’est un organisme interministériel, le CEPS (Comité économique des produits de santé ) qui décide du prix des médicaments remboursables par la Sécurité sociale.
A la tête de la section médicament du CEPS depuis 2016, Jean-Patrick Sales intervenait ce mercredi lors de la conférence « Les nouveaux médicaments sont-ils trop chers ? ». Il explique à L’écho des Jéco que le prix du médicament, il ne le sort pas de son chapeau. « Il résulte d’une négociation conventionnelle avec l’entreprise », explique-t-il. Une négociation, comme au marché, mais en plus encadré.
Un processus très encadré
Avant d’entrer en discussion avec le CEPS, un laboratoire doit obtenir une autorisation de mise sur le marché auprès de l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé). Ensuite, la Haute autorité de santé se penche sur la nouvelle molécule que le laboratoire veut introduire.
Cette autorité juge de l’amélioration du service médical rendu (ASMR) qu’offre cette molécule et lui décerne une note entre 1 et 5. AMSR5 pour une molécule qui n’apporte rien de plus que les médicaments déjà commercialisés. AMSR1 pour une molécule qui, par exemple, permet de guérir une maladie précédemment incurable.
A partir de cette appréciation, le laboratoire entre alors en négociations avec le CEPS. Plus sa molécule est novatrice, plus l’entreprise s’inscrit en position de force vis-à-vis de Jean-Patrick Sales. « Pour une molécule ASMR5, raconte-t-il, nous allons proposer un prix similaire à celui des traitements déjà sur le marché. » Le CEPS se base aussi sur les prix pratiqués en Allemagne, Espagne, Italie et au Royaume-Uni.
Pour une molécule innovante, par contre, cela se passe différemment. « L’entreprise va arriver avec des arguments beaucoup plus convaincants », confirme Jean-Patrick Sales. Exemple du Sovaldi, ce traitement de l’hépatite C commercialisé par le laboratoire Gilead.
Plus efficace et moins contraignant, ce dernier arrive sur le marché en 2014, au prix de 41 000 euros pour un traitement de trois boîtes de 28 comprimés. Résultat, le Sovaldi a dû être rationné jusqu’en 2016 pour ne pas plomber l’enveloppe médicament de la Sécu.
La loi du marché
41 000 euros, quand le coût de production unitaire d’un traitement est estimé à 90 euros (Gilead, comme de nombreux laboratoires, ne communique pas ses coûts de production ou de recherche et développement). Pour comprendre comment Gilead s’en est tiré à si bon compte, il faut savoir qu’une entreprise, si elle n’arrive pas à se mettre d’accord sur un prix avec le CEPS, peut renoncer à vendre sa molécule en France.
Quand il s’agit d’un médicament ASMR5, sans valeur ajoutée, l’entreprise en sort perdante car elle ne réalisera pas de chiffre d’affaires en France. Mais quand il s’agit d’un ASMR2, comme le Sovaldi, ce sont les patients qui ressortiraient perdants de l’absence de ce médicament novateur sur le marché français.
Dans le cas du Sovaldi, le tarif des trois boîtes a été abaissé à 27 000 euros, suite à des tractations, l’année dernière, entre le CEPS et Gilead. Mais le groupe pharmaceutique, qui détient le brevet jusqu’en 2026, ne devrait pas accepter d’autres baisses du prix de vente.
On le voit, le prix des médicaments ne s’affranchit pas des lois du marché. Quand le CEPS fait face, seul, à un laboratoire étranger détenant le monopole d’une nouvelle molécule, il n’a pas les arguments pour obtenir un prix plus bas lors des négociations.
Il ne reste alors qu’à attendre. « Avec le temps, le prix des médicaments baisse naturellement », indique Jean-Patrick Sales. Concurrence, expiration des brevets, génériques…tout cela vient mettre fin au monopole détenu par un laboratoire et le force à baisser ses prix pour rester compétitif.