
Fragmentation du marché, manque d’indépendance, débat autour des ambitions écologiques… Les limites de l’Europe de l’énergie sont nombreuses. Du côté de l’Union européenne, on vante néanmoins la trajectoire engagée.
« L’énergie et l’Europe sont des thèmes toujours très controversés », avait averti Guillaume Duval, éditorialiste du média Alternatives Économiques, au début de la conférence « Réinventer l’Europe de l’énergie » des Jéco.
Érigée comme l’une des dix priorités de la Commission européenne sur la période 2014-2019, l’union de l’énergie ne fait pas l’unanimité. Certains des orateurs l’ont bien fait comprendre jeudi 8 novembre. Même Gaspar Demur, de la direction générale de l’énergie de la Commission européenne, l’a reconnu à demi-mot lors de son intervention : « Je ne vais pas vous dire que l’union de l’énergie est parfaite… »
C’est l’économiste Élie Cohen qui a tiré la première salve : « L’union de l’énergie reste une évidence, mais ses résultats sont un paysage désolé. Concernant la concurrence, le démantèlement des monopoles nationaux pour favoriser le libre choix des consommateurs a engendré de grandes difficultés, notamment pour les entreprises de l’électricité. »
« Pour que ça change, il faudrait un tremblement de terre »
Cette situation, Dominique Finon, directeur de recherche au centre national de recherche scientifique, la déplore et l’attribue au libéralisme économique de l’Union européenne : « Quand un état veut renforcer son secteur nucléaire ou des énergies renouvelables, la direction générale de la concurrence trouve souvent à redire. Cela crée de l’incertitude et décourage les investissements… L’ADN de l’Europe demeure un droit qui reflète une logique de marché. Il faudrait un tremblement de terre pour que ça change. »
Autres domaines sources de critiques : la lutte contre le dérèglement climatique et la sécurité. Dans le premier cas, Élie Cohen a évoqué « au mieux des interrogations, voire un échec », en pointant le choix allemand de se tourner vers le charbon en vue d’une sortie progressive de l’énergie nucléaire d’ici à 2022. Dans le second, l’économiste a regretté un recul de l’indépendance énergétique européenne dû à la stratégie gazière de la Russie.
« Le marché ne donne plus de signaux positifs »
Pour ternir encore le tableau, Dominique Finon a fustigé « le prix faussé de l’électricité en raison des subventions accordées pour le développement des énergies renouvelables ». Conséquence, « le marché ne donne plus de signaux positifs pour réaliser des investissements dans les moyens de production », déplore François Dassa, directeur de la mission prospective et relations internationales d’EDF.
Face à l’évocation de ces difficultés, Gaspar Demur s’est attaché à démontrer que l’Union européenne était sur la bonne voie. « À propos de la question climatique, l’objectif de réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serre avant 2020 est d’ores et déjà atteint. Quant à celui d’une part de 20% des énergies renouvelables dans la consommation finale à la même échéance, nous y parviendrons. Des efforts sont aussi faits concernant la sécurité énergétique. En 2021, un gazoduc entrera en service entre la Pologne et les pays baltes. Grâce à lui, la dépendance des pays baltes à ses seuls fournisseurs russes cessera », a-t-il fait valoir.
Une interconnexion en progrès
Pour l’épauler, le haut fonctionnaire européen a pu compter sur la position « à rebours du pessimisme » d’Hervé Laffaye, directeur général délégué de RTE, le gestionnaire du réseau d’électricité français. Celui-ci a rappelé les progrès de l’Europe électrique en matière d’interconnexion : « En 15 ans, la capacité d’exportation d’électricité de la France a doublé pour atteindre 17 gigawatts. Un autre signal positif est que le réseau européen attire des pays hors de l’UE comme l’Ukraine ou encore la Moldavie. »
Quid des solutions ? Quelques-unes ont été évoquées comme la hiérarchisation des objectifs, la réorganisation des champions nationaux à l’instar d’E.ON et RWE en Allemagne, ou encore la transition des subventions des technologies actuelles vers celles d’avenir.
Jonathan Grelier