
« La grande différence, c’est l’ordinateur. » Pour Jean-Marc Vittori, journaliste aux Echos, le progrès technologique arme les économistes dans leurs recherches. Il animait jeudi après-midi à la Bourse du Travail une conférence intitulée « Les économistes sont-ils mieux outillés ? ».
Aujourd’hui, toutes les données imaginables, « de l’économie aux pogroms en République Tchèque pendant la Seconde Guerre mondiale » continue Jean-Marc Vittori, sont à portée de clic.
Données à gogo
« La vraie amélioration c’est l’accès des chercheurs aux bases de données individuelles, de ménages par exemple, ou d’entreprise, » renchérit Jean-Luc Tavernier, directeur général de l’Insee.
Cette profusion de données change la façon de penser des économistes. « Avec les données on peut se poser beaucoup de nouvelles questions. Cela crée une excitation, une forme de fascination », note Philippe Aghion, professeur au Collège de France. Et d’apporter un bémol à cet enthousiasme général : « le danger est de penser que les données peuvent penser d’elles-mêmes. »
Pour faire parler les données, il faut des formules, des modèles. Selon Annie Cot, professeure de sciences économique, l’économétrie – « la branche de l’économie qui traite par les mathématiques les données statistiques » (CNRTL) – a beaucoup avancé ces deux derniers siècles.
L’outil n’est pas une fin en soi
« C’est vrai on a fait des progrès, concède Yann Algan, professeur d’économie à Sciences Po, mais l’économie ne doit pas se définir dans sa capacité à évaluer les politiques publiques et leurs conséquences. Aujourd’hui on peut dire si une mesure marche ou non mais pas pourquoi. »
Ainsi, le Big Data n’est pas une panacée. « Ce tournant empirique ne doit pas faire oublier la théorie », insiste Annie-Louise Cot. Mais s’il faut continuer à faire de la recherche théorique en économie, il n’est par contre plus possible de s’y prendre comme Adam Smith ou Ricardo. « Il n’est plus question de faire des lois universelles, intemporelles, ahistoriques », poursuit Annie-Louise Cot.
Données et théorie doivent donc marcher main dans la main. Mais les données économiques doivent encore s’améliorer. Selon Jean-Luc Tavernier, de l’Insee, « la comparabilité internationale des séries n’est pas toujours au rendez-vous. Il faudrait aller plus loin dans la coordination des instituts de statistiques. »
Pour comparer la France et son économie à ses voisins, il faut que les données économiques y soient recueillies avec les mêmes méthodes.
Ce sont ces avancées qui permettront peut-être ensuite aux économistes d’être de « meilleurs conseillers du Prince », pour reprendre la formule de Jean-Marc Ettori. Car, comme les certifie Yann Algan, « on a envie de devenir économiste quand on veut changer le monde ».