Cécile Duflot : « Il y a un accroissement des inégalités vers les très hauts revenus »

La conférence "Mieux comprendre les inégalités aujourd’hui ?" a soulevé la question du poids économique des inégalités.

Cécile Duflot, directrice générale d'Oxfam France, pointe du doigt la responsabilité des ultra-riches et des choix politiques qui les favorisent.

Non, ce ne sont pas les allocations sociales qui pèsent le plus sur l’économie. Mais plutôt, l’accaparement des richesses. C’est en tout cas une des thèses défendues, ce mercredi, lors de la conférence « Mieux comprendre les inégalités aujourd’hui «  . Parmi les invités, l’ancienne ministre Cécile Duflot, désormais directrice générale d’Oxfam France. Elle a répondu aux questions de L’écho des Jéco.

La conférence a évoqué plusieurs formes d’inégalités. Y en a-t-il une qui pèse plus que les autres sur l’économie française ?

Cécile Duflot : L’analyse d’Oxfam, c’est qu’il y a aujourd’hui un accroissement des inégalités vers les très hauts revenus. On a fait des efforts pour réduire la pauvreté, qui ont marché et marchent dans le monde. En revanche, il y a une envolée des ultra-riches avec un accaparement des richesses : 82% des richesses mondiales créées en 2017 ont été préemptées par le 1% des plus riches. Ça crée un sentiment de grande distorsion au sein des pays, et la perception de ces inégalités s’accroît plus encore.

Et ces inégalités de revenus empêchent-t-elles l’économie de fonctionner normalement ?

C.D. : Ces inégalités ont un impact global sur la santé de la société. Une société qui va moins bien, c’est une société qui consomme de manière différenciée, qui crée de la tension… Ces inégalités sont un facteur de perturbation. Par exemple, Carlos Slim, qui est devenu la sixième fortune mondiale avec l’obtention du monopole sur les télécommunications au Mexique, est l’illustration d’un système inefficace. Pour le pays, ce monopole est très coûteux, pèse sur tout le secteur technologique mexicain.

Lors de la conférence, vous affirmiez que les inégalités sont dues avant tout à des arbitrages politiques et économiques. Qu’est-ce qui empêche la société civile d’agir sur les inégalités ?

C.D. : Rien n’empêche la société civile de se mobiliser ! C’est pour cela qu’Oxfam défend le pouvoir citoyen. Un des éléments de ce pouvoir citoyen, c’est la connaissance, pour regarder et comprendre la réalité telle qu’elle existe. C’est par ce biais qu’on peut dialoguer avec les décideurs publics, faire vivre la démocratie, mais aussi peser face aux décideurs économiques.

Car les situations d’inégalités salariales sont aussi un système néfaste au fonctionnement durable de l’économie. Ça vaut pour la distribution des dividendes. Quand les entreprises du CAC 40 distribuent massivement des dividendes à leurs actionnaires au lieu de réinvestir une partie de leurs bénéfices dans l’avenir et dans leurs propres technologies, cela fragilise les entreprises, et plus largement l’économie nationale.

 

 

ZOOM – L’accroissement des inégalités en France

L’ONG Oxfam lutte contre les injustices et la pauvreté, et a recueilli de nombreuses données qui soulignent un accroissement des inégalités en France.

Les 10% les plus riches en France possèdent la moitié des richesses nationales, tandis que l’Insee dénombre 1,2 million de personnes pauvres supplémentaires en 20 ans. En 2016, les PDG du CAC 40 gagnaient en moyenne 119 fois plus que la moyenne de leurs salariés, contre 97 fois plus en 2009. Chiffres à l’appui, l’infime minorité des ultra-riches sont les grands gagnants des politiques actuelles.