« L’intelligence artificielle ouvre la voie à un champ plus large de possibilités pour les entreprises »

Interview de Julien Maldonato, responsable de l'innovation du cabinet Deloitte.

Julien Maltonado est intervenu lors de la conférence "L'Intelligence Artificielle au travail, un autre quotidien ?"

Julien Maldonato est responsable de l’innovation chez Deloitte, un des quatre plus importants cabinets d’audit et de conseil mondiaux. Après son intervention lors de la conférence « L’Intelligence Artificielle au travail, un autre quotidien ? », il est revenu sur les moyens de se préparer à ces nouvelles technologies. 

 

Comment peut-on prévoir les conséquences futures de l’intelligence artificielle ?

Aujourd’hui, avec les outils qu’on a, il est difficile de prédire ses conséquences.  Ca l’est encore plus qu’avant puisque l’intelligence artificielle est partout, se mêle à de nombreuses disciplines.  Gordon Moore, inventeur de Intel, avait fait l’hypothèse dans les années 1960, d’une évolution exponentielle de l’informatique. Tous les mois ou deux ans, sa puissance doublerait. Et il ne s’est pas trompé puisque 60 ans plus tard sa théorie s’est révélée exacte. Contrairement au progrès humain –  linéaire jusque-là – cette progression exponentielle est difficilement compréhensible par le cerveau humain. Cela rend donc encore plus difficile qu’avant cette projection et le fait de pouvoir prédire ce qu’il se passera réellement. Et donc on peut à peine deviner son impact.

 

On dit justement que, demain, l’intelligence artificielle pourrait avoir une utilité de prédiction…

Si on la décortique, l’intelligence artificielle est en grande partie issue de la statistique. On va dire que la statistique telle qu’on la connaît – les lois de distribution, notamment la loi de Gauss – permet des choses intéressantes, mais assez simplistes. Ce sont des modèles peu sophistiqués, représentés par une courbe à deux dimensions. Demain, des modèles basés sur l’apprentissage de la machine permettront de créer des moyens de prédire plus fiables , plus fins que ce que l’on a connu avec la statistique traditionnelle. Donc l’idée que l’on pourra utiliser l’intelligence artificielle pour aider à prédire son futur à elle-même, c’est sûr que c’est séduisant.

 

Quel conseil général donneriez-vous à une entreprise – quel que soit le secteur d’activité – pour se préparer à ces nouvelles technologies ?

Le conseil c’est d’essayer de faire un travail d’introspection, un diagnostic sur « qu’est-ce qui, dans mon activité, déjà, pourrait être un peu plus informatisé, un peu plus automatisé ». Il y a des choses qui, sans aller jusqu’à de l’intelligence artificielle, qui sont encore finalement très manuelles et que l’entreprise peut déjà, sans aller dans de la science-fiction, grandement améliorer.

Après, elle doit essayer de se projeter, même si c’est difficile, en se comparant à ce qui se fait dans d’autres entreprises, secteurs, pays. Essayer de deviner ou d’avoir l’intuition de ce qui, demain, pourrait se faire différemment.  C’est essentiel pour éviter de tomber dans des déconvenues comme on a pu le voir avec Kodak, qui n’avait pas compris l’arrivée de la photo numérique. Chaque entreprise peut devenir un Kodak et donc pour l’éviter, il faut de manière très régulière, permanente, se remettre en question et essayer d’être créatif sur l’avenir de ses activités. Tout simplement parce que l’intelligence artificielle ouvre la voie à un champ plus large de possibilités.

 

Et comment se porte la France en la matière ? Est-elle plutôt en avance, ou en retard ? 

Les précédentes vagues d’informatisation étaient très portées sur le matériel, un domaine dominé par les États-Unis puis investi par l’Asie comme Sony et des marques japonaises. L’intelligence artificielle peut redonner à la France une place importante puisqu’elle s’appuie moins sur des aspects matériels que sur des aspects dits de logiciel et d’algorithme. Des éléments de plus en plus proches de la mathématique fondamentale, qui est une école sur laquelle les Français sont plutôt connus pour leurs qualités.

Donc si je résume, je pense que la France a commencé à montrer qu’elle propose de très bons éléments, issus de ses écoles et de ses filières académiques. On cite souvent Yann Le Cun, responsable de l’intelligence artificielle chez Facebook.  En réalité, il y en a plein d’autres. Poussée par le gouvernement et par nos entreprises, la France et son école mathématique puissante doivent pouvoir briller et être visibles au niveau mondial dans ce nouveau champ scientifique qu’est l’intelligence artificielle.