
Se plonger dans le cerveau des opérateurs financiers pour en comprendre les décisions. Une idée au coeur de la « neurofinance », contraction de neurosciences et de finance. Alors comment raisonnent les financiers ? Ont-ils une âme voire des états d’âme ?
Sexe, drogue, argent… La vie fantasmée des traders véhiculée par le cinéma hollywoodien serait assez loin de la réalité des places boursières françaises. Pour Christophe Olivier, gérant de fonds à Paris, cette image est plutôt celle d’il y a vingt ans: « Aujourd’hui, tout est électronique. On est dans les chiffres en permanence. » Si l’on se réfère aux statistiques de la Fédération française bancaire, environ 4 000 traders exerceraient en France*. Chaque jour, ils décident d’acheter et vendre très rapidement. Comment prennent-ils ces décisions ? Sont-ils rationnels?
Dans la prise de décisions, les probabilités sont omniprésentes et à plusieurs niveaux. Les probabilités « objectives » et l’interprétation subjective de ces premières. « Il s’agit de comprendre comment les données reçues sont modifiées par le cerveau », explique en termes simples Christian Schmidt, professeur d’économie à Paris-Dauphine. Les émotions peuvent jouer un rôle déterminant dans la transformation de ces données.
Système de récompense
Devant ses écrans d’ordinateur, le trader sera incité par la perception des informations qu’il reçoit et fera des choix aussi selon un système de récompenses. Il y aura la satisfaction d’avoir fait le bon choix, et de plus s’il y a récompense notamment financière derrière. Mais tous ne réagissent pas de la même façon au risque et à l’appât du gain. Christophe Olivier sépare les traders en deux catégories : les « momenters » et les « contraignants« . Les premiers suivent la tendance et considèrent qu’une action qui monte continuera à monter et inversement. Les seconds essaient de prédire les mouvements et achètent et vendent à contre-courant. « Généralement, c’est un mélange des deux », admet-il tout de même.
Christian Schimdt soulève le problème de l’addiction rationnelle. C’est là l’anti-système de récompense : à force de répéter les mêmes tâches, le goût n’est plus le même et il faut prendre plus de risques pour avoir une satisfaction égale. Pour des traders qui gèrent des sommes d’argent parfois colossales, cette « addiction cachée » fait vite peur. Mais pour Christophe Olivier, la régulation mise en place en France après la crise de 2008 limite ces phénomènes. « En France, les opérateurs ressemblent plus à des investisseurs qu’à des traders », affirme-t-il. Les risques inconsidérés des opérateurs ne seraient plus aussi bien rémunérés et les comportements plus raisonnés seraient promus. Pour les autres places financières mondiales, c’est une autre question.
*366 200 personnes travaillent dans les banques, et 1,2% de ces employés sont des opérateurs de marché. Ce qui fait un total de 3 871 traders.
Clara Robert-Motta