Virginie Chauvin : « Ce sont les codes masculins qui prédominent dans les entreprises »

Virginie Chauvin est responsable audit France chez Mazars, et fondatrice de Mazars & Elles qui favorise la mixité au sein de l'entreprise.

Virginie Chauvin est membre du Directoire et du Comité Exécutif de Mazars France depuis 2016. Elle est spécialisée dans le secteur bancaire. Image ©Mazars

Deux ans après l’entrée en vigueur de la loi Copé-Zimmermann qui oblige les grandes entreprises à respecter un quota minimum de 40% de représentativité pour chaque sexe , nous avons interrogé Virginie Chauvin à propos des inégalités hommes-femmes dans les grandes entreprises.

La loi Copé-Zimmermann a-t-elle changé les choses ?

Virginie Chauvin : Au niveau des conseils d’administration, oui, clairement. Le cap des 40% de femmes au sein des CA a été atteint. On est environ à 42% de femmes en moyenne dans les conseils d’administration des grandes entreprises. C’est un élan positif. C’est un point de départ clé. Cette loi a notamment permis d’accroître le nombre de rôles modèles pour les femmes et de donner des perspectives aux plus jeunes.

Au sein-même des CA, les femmes obtiennent-elles les postes les plus prestigieux ?

V.C. : C’est difficile à dire puisqu’il n’y a pas vraiment de poste à « responsabilité » dans les CA. Il y a un directeur, mais le CA n’a pas de réel pouvoir au sein de l’entreprise. Ce sont en fait le comité exécutif et le directoire, dans une moindre mesure, qui prennent les décisions. Et là, par contre, il y a encore un réel problème de mixité. Seulement 17% de femmes sont présentes dans les comités exécutifs, que l’on appelle aussi comités de direction. Mais il est possible de noter tout de même qu’il y a quatre ans, c’était 13%.  Il y a une petit évolution, mais elle est lente et insuffisante.

Quels sont les freins à une mixité accrue au sein des entreprises ?

V. C. : Déjà, ce sont les codes masculins qui prédominent au sein des entreprises. Les compétences attendues sont moins familières aux femmes. On a toutes et tous connu des premières de la classe, mais cela s’inverse ensuite. Les compétences attendues, notamment en leadership, ne sont pas les mêmes. Il a été montré que les femmes estiment que si le travail est bien fait, cela suffit. Alors que les hommes arrivent en général à mieux communiquer sur ce qu’ils font, et à mettre davantage leur travail en valeur.  Parfois, ils peuvent en faire moins, mais parvenir à mieux le défendre. Dans le monde professionnel, en particulier dans les entreprises, on retient d’abord la forme avant le fond du détail, et cela joue en défaveur des femmes en général.

Ensuite, les femmes ont peu de repères et de rôles modèles sur lesquels s’appuyer. Et comme elles maîtrisent moins les codes, cela crée un manque de confiance. Dans les décennies précédentes, les femmes qui ont réussi dans le monde de l’entreprise ont essayé de ressembler à des hommes, et cela a créé une distorsion.

Comment faire pour améliorer les choses ?

V. C. : Je crois beaucoup aux rôles modèles. Les femmes qui évoluent ont un rôle important à jouer. Plus elles seront nombreuses, et plus chaque femme pourra se reconnaître dans un modèle en particulier. Cela passe aussi par le réseau féminin, que l’on essaie de créer grâce à Mazars & Elles par exemple. « Nous créons des lieux de rassemblement, au sein desquels nous donnons des conseils en matière de coaching et de motivation. Il faut mettre en avant les jeunes femmes qui réussissent. Il a été montré que lors d’un appel à candidatures par exemple, moins de femmes allaient choisir de s’exposer. Il faut changer ça. »

Cela passe aussi par la bienveillance. Comme les femmes sont moins nombreuses dans les postes prestigieux, dès qu’elles font un faux pas, cela est  beaucoup plus visible. C’est là que les hommes ont un rôle à jouer. Pour moi, la mixité en entreprise ne se fera pas sans les hommes, ni contre eux. Il faut embarquer tout le monde. Des études montrent chaque année que les performances d »une entreprise sont meilleures grâce à la diversité. Il est nécessaire également que les femmes assument de vouloir progresser dans leur carrière. Il est possible de vouloir progresser tout en restant telle que l’on est. L’ambition n’est pas un gros mot.