
Panel haut de gamme, mardi après-midi à la Bourse du Travail de Lyon. Autour d’Agnès Benassy-Quéré avaient pris place Yann Algan, professeur d’économie à Sciences Po, l’économiste François Bourguignon, ainsi que l’ancienne ministre italienne du Travail Elsa Fornero et Dani Rodrik, professeur d’économie politique internationale à la John F. Kennedy School of Governement, de l’Université d’Harvard. Tous ont essayé de comprendre objectivement d’où viennent les populismes.
La conférence démarre par une recette. Celle du populisme. Pour un populisme réussi, il vous faut d’abord des paradoxes. Ainsi, le milliardaire Donald Trump a été élu président des États-Unis grâce aux votes du prolétariat. Pourtant, son programme électoral revendiquait des baisses d’impôts pour les plus riches. Il vous faut ensuite un sentiment de supériorité morale, mais aussi des non-sens dans le programme. Ajoutez-y un appel au changement en usant d’une rhétorique anti-élites.
Entre 2011 et 2013, Elsa Fornero est ministre du Travail et des politiques sociales. L’Italie est alors en crise de croissance. “Sans la croissance économique, les problèmes sont toujours pires” résume-t-elle.
Une nécessité de comprendre les réformes
Lors de son passage au gouvernement, Elsa Fornero porte la très contestée réforme du travail, et celle des retraites. En voulant faire face à la débâcle des réponses traditionnelles, elle a pu témoigner de la division entre la crainte du peuple et l’enthousiasme de l’establishment. “Il y a donc une hausse des incertitudes et de la colère à l’égard des élites, ainsi que la montée d’un sentiment anti-immigration.”
Alors, faut-il arrêter de réformer? Pas forcément. “Les réformes peuvent être corrigées mais cela demande que le peuple accepte ces réformes. Si quelqu’un a des réformes pour améliorer le futur de son pays, je pense que les gens vont comprendre.”
C’est ensuite l’économiste Dani Rodrik qui a pris la parole. Le professeur d’Harvard a étudié la relation entre mondialisation et populisme aux États-Unis. Pour cela, il s’est basé sur l’élection présidentielle de 2016, entre le républicain Donald Trump et la démocrate Hillary Clinton.
Un clivage renforcé par les progrès technologiques
“Il y a environ 3000 comtés aux États-Unis. La surprise de 2016, c’est que 200 comtés qui avaient voté démocrate en 2012, ont décidé de voter républicain en 2016.” Ces comtés sont appelés les “flipped counties”. Le terme est utilisé pour désigner les territoires qui ont progressivement perdu de leur force économique, où le chômage a augmenté, où les entreprises ont arrêté de s’implanter. “Cela divise une société”, note Dani Rodrik.
Une fois le retard engagé, le clivage ne cesse de se renforcer. Les progrès technologiques sont responsables de l’automatisation de certaines tâches, ce dont pâtissent les territoires en retard.
“Cette désindustrialisation a créé une demande à laquelle les politiques n’ont pas trouvé de solutions” pointe Dani Rodrik, qui émet toutefois un remède possible. “Il faut fournir un populisme économique différent. Plus à gauche, qui va apporter des solutions pour une société plus inclusive. Il faut passer par une taxation plus progressive et essayer de reconnecter les parties les plus avancées de l’économie avec les secteurs économiques en retard. C’est notre priorité: le développement de ces sociétés inclusives” a-t-il conclu.
Etienne Dujardin