Chine – Etats-Unis, la nouvelle guerre froide ?

Le conflit commercial entre la Chine et les Etats-Unis s’intensifie au point de prendre des allures de guerre froide. C’est en tout cas la conclusion de la conférence « Guerre commerciale : le retour du chacun pour soi ? », qui se tenait mercredi 6 novembre à Lyon. 

« On entre dans une époque qui ressemble étrangement à la guerre froide », prévient Sébastien Jean, le directeur du Centre Français de Recherche en Economie Internationale (CEPII). Ce mercredi, alors qu’il débattait du retour du protectionnisme, l’économiste a tenté cette comparaison entre guerre commerciale et guerre froide. « Il y a deux pôles, la Chine et les Etats-Unis. Et entre eux, l’Europe qui n’arrive pas à s’affirmer », explique-t-il .

Et l’heure de la détente entre la Chine et les Etats-Unis n’est pas encore arrivée. « Même si Donald Trump n’était pas réélu président en 2020, la relation a peu de chance de s’apaiser parce que les Démocrates sont encore plus belliqueux envers la Chine que les Républicains », poursuit Sébastien Jean. En fait, la base de l’électorat américain a profondément changé. « Tout le monde est devenu protectionniste aux Etats-Unis », alerte Thierry Mayer, professeur de sciences économiques à Sciences Po.

Sur la scène de la salle Molière, tous les intervenants sont unanimes : « On ne reviendra jamais en arrière », déclare Thierry Mayer. La guerre commerciale que se livrent la Chine et les Etats-Unis a démontré qu’il est facile de contourner les règles établies par l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). « Désormais, l’économie internationale est plongée dans l’incertitude. On ignore si les pays respecteront, ou pas, les règles du commerce », ajoute Thierry Mayer.

Réécrire les traités de l’OMC

Jusqu’ici pourtant, tout était relativement simple. Depuis 1947, le GATT puis l’OMC (créée en 1995) encadrent les relations commerciales grâce à des traités multilatéraux. Objectif : assurer la stabilité et la prévisibilité des conditions des échanges. Or, depuis mars 2018, les Etats-Unis ont mis en place une succession de mesures protectionnistes, au nom de la sécurité nationale, sans passer par les traités de l’OMC. « C’est un coup de pied dans la fourmilière pour accélérer la réécriture des traités internationaux », avance Cécilia Bellora, économiste au CEPII.

Car pour Donald Trump, comme pour les économistes présents, il est urgent de réécrire les règles de l’OMC. « Elles ont été édictées à une époque où les pays développés voulaient encourager le développement des pays émergents en fixant des droits de douane qui leur étaient favorables. C’est pourquoi la Chine bénéficie encore de ces tarifs avantageux », explique Sébastien Jean. « C’est bien l’un des seuls points communs qu’il y ait entre les économistes et Donald Trump », plaisante Thierry Mayer.

A lire aussi : Pierre-Noël Giraud : « On entre dans une nouvelle phase de la globalisation »

En outre, la perte de confiance dans les institutions régulatrices du commerce, telles que l’OMC, pourrait avoir de graves conséquences. Notamment sur les futurs choix environnementaux.  « La guerre commerciale est en train de détruire le seul instrument à notre disposition pour réguler les échanges commerciaux de 200 pays à la fois. Et c’est à cette échelle là que l’on doit relever le défi climatique », alarme Thierry Mayer. La guerre commerciale marque, en un sens, le retour des traités bilatéraux, peu efficaces pour s’attaquer aux grands enjeux du 21e siècle.

 

Chloé Barbaux