
Lutter contre la voiture en ville, oui mais comment ? Surtout, comment ne pas transformer les métropoles en forteresses ? C’était le thème de la conférence qui s’est tenue au centre culturel Saint-Marc de Lyon, mercredi 6 novembre.
Les chiffres ne mentent pas. Chaque année, les Parisiens perdent 237 heures dans les embouteillages. À Bordeaux, ce n’est guère mieux: 223 heures perdues. Beaucoup viennent de l’extérieur de ces métropoles et estiment n’avoir pas vraiment d’autre choix que de prendre la voiture. « L’accès à la ville est devenu un casse-tête pour eux. Le prix du foncier augmente, leur temps de trajet aussi, et les déplacements coûtent plus cher » liste Yves Crozet, professeur de sciences économiques à l’Université de Lyon 2. Entre congestion du trafic et pollution de l’air, l’heure est aux solutions.
Jean Coldefy, directeur du programme mobilité 3.0 chez ATEC ITS (réseau d’acteurs du transport), a étudié la question. « Le fait de prendre la voiture n’est pas un problème de comportement des gens. Ils ne sont pas accros, comme on peut l’entendre. Ils n’ont juste pas le choix« . En se basant sur l’exemple de Paris, l’expert ajoute : « Il y a une station de métro tous les 300 mètres. Paris est la ville où les gens prennent le moins leur voiture.« . CQFD.
Quatre milliards d’euros pour développer le réseau lyonnais
En se basant sur quatre axes majeurs, Jean Coldefy a dessiné les contours d’un projet de transports en commun pour l’agglomération lyonnaise. Premièrement, il faut agir sur les infrastructures. « On propose des parcs-relais et des pistes cyclables« . Ensuite, des offres de transports capacitaires: des cars express, des trains, des tramways, etc. « Il faudrait doubler la fréquence des TER » assure l’expert. Troisième axe, le numérique. L’objectif est de proposer un accès simplifié à toutes les offres. Finalement, l’aspect économique.
Le financement doit être soutenable et la tarification incitative. « Pour construire des alternatives à la voiture, on arrive à des volumes de financement extrêmement importants : 4 milliards d’euros nécessaires dans le cas de l’agglomération lyonnaise » pointe-t-il. « Si l’on veut faire les choses en dix ans et répondre favorablement à Greta Thurnberg, il faut ponctionner les contribuables. Sinon, cela prendra trente ans. »
Réguler par les quantités ou par les prix
Au-delà du développement des réseaux de transports, Yves Crozet estime possible _ et nécessaire _ d’agir en parallèle pour limiter l’utilisation de la voiture : « Il y a deux façons de réguler. Par les quantités ou par les prix. Si l’on ne fait rien, l’usage de la voiture va augmenter. » Certains voisins européens l’ont compris. La Suisse offre un service développé, mais celui-ci nécessite un budget élevé. Oslo, de son côté, a décidé de contraindre les automobilistes par les prix: des parkings très chers, l’interdiction des voitures non électriques dans le centre-ville, par exemple. La principauté de Monaco agit quant à elle sur la quantité. La limitation des places de parking disponibles a permis la réduction des flux.
Les différents acteurs de la table ronde sont d’accord sur un point: cela prendra plusieurs années. Pour Yves Crozet, « on ne peut pas mettre de contraintes sans apporter d’abord des solutions« . Il est rejoint par Jean Coldelfy, qui pense que « taxer les véhicules les plus polluants, c’est la meilleure façon de faire monter les populismes. On cible les populations qui n’ont que peu de moyens et n’ont pas le choix de faire autrement. » Éric Chareyron, directeur prospective, modes de vie et mobilité dans les territoires, a le mot de la fin, un mot très mitterrandien : « Il faut laisser du temps au temps. »
Etienne Dujardin