Pierre-Noël Giraud : « On entre dans une nouvelle phase de la globalisation »

Pierre-Noël Giraud participait ce mercredi à la conférence « Comment la mondialisation déplace les inégalités ? ». A cette occasion, l’économiste, également professeur à Paris-Dauphine, réédite son ouvrage « L’inégalité du monde » (éditions Folio). Il y décrit l’avènement d’une nouvelle phase « mercantiliste » de la globalisation, marquée par la guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis.

Quelle est, selon vous, la meilleure manière de réduire les inégalités créées par la globalisation ?

Il existe deux façons de réduire les inégalités. On peut, comme le préconise Thomas Piketty, imposer davantage les ménages et les entreprises. Mais personnellement, je trouve qu’en Europe, les taux de taxation sont déjà très élevés. Je recommande plutôt aux décideurs politiques de chercher à influencer les mécanismes de marché.

Pourtant, l’OCDE aimerait faire adopter une nouvelle taxe mondiale sur les bénéfices…

S’il s’agit de taxer les plus grandes entreprises, j’y suis favorable. Amazon, par exemple, est en situation de monopole et se fait de l’argent sur le dos des consommateurs. Cette nouvelle taxe pourrait faire entrer de l’argent dans les caisses des Etats qui serviraient à la redistribution, et donc à la réduction des inégalités.

Dans votre ouvrage, vous parlez d’une nouvelle phase « mercantiliste » de la globalisation. De quoi s’agit-il ?

Depuis une quarantaine d’années, nous étions dans une phase « libérale » de la globalisation. Mais depuis l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis et la guerre commerciale qu’il mène contre la Chine, nous sommes entrés dans une phase « mercantiliste ». Et dans cette nouvelle configuration, l’Europe doit retrouver la maîtrise de ses frontières et relocaliser ses emplois.

Vous recommandez à l’Europe de fermer ses frontières ?

L’Europe doit s’inspirer de la Chine qui contrôle les flux de la globalisation. Elle doit dire aux autres puissances économiques : « Si vous voulez vendre des automobiles en Europe, venez les construire en partie chez nous. Et alors, vous serez exonérés de droits de douane. » De cette manière, nous relocaliserons les emplois que j’appelle « nomades ».

Cette politique permettrait, aussi, de remédier au problème de « l’homme inutile » ?

J’appelle « hommes inutiles » tous les chômeurs de longue durée ou les travailleurs qui enchaînent de petits boulots précaires. Ils sont les victimes de la plus grande inégalité qui soit : l’inutilité aux yeux de la société. Et on peut y remédier en agissant sur les mécanismes macro-économiques, sans doute plus efficacement qu’en versant un « revenu universel ».

 

Interview Chloé Barbaux