Pourquoi les Français ne perçoivent pas la hausse du pouvoir d’achat

La Banque de France annonce une hausse du pouvoir d’achat de 2,3 % sur l’année 2019. Malgré cela, seul 1 Français sur 4 se déclare confiant quant à une réelle amélioration. A l’occasion d’une table ronde des Jéco consacrée à la perception des niveaux de vie et des inégalités, on vous explique ce décalage entre chiffres et réalité.

Le pouvoir d’achat est la première préoccupation des Français. Dans une enquête CSA en septembre, 42 % des sondés l’ont placé devant la santé et l’environnement. 2019, mouvement des gilets jaunes oblige, aura été marquée par 17 milliards d’euros de baisses d’impôts et de mesures en faveur des ménages. Résultat : selon l’INSEE, à 2,3%, jamais la hausse du pouvoir d’achat n’aura été aussi forte depuis 10 ans.  Et pourtant, l’opinion publique affirme ne pas s’y retrouver : 31% des Français estiment avoir un faible pouvoir d’achat (sondage CSA).

L’arrivée de l’euro a changé la perception des Français sur le pouvoir d’achat. DR

Première explication de ce décalage : le différentiel avec l’inflation. En 2019, si le pouvoir d’achat augmente bien de 2,3%, l’inflation, elle, devrait tourner autour de 1 %. Soit un différentiel de 1,3%. C’est bien mieux qu’en 2012 (1 % de plus), mais l’influence sur le budget des ménages reste limitée.  Cette augmentation faible, couplée à une hausse des prix, faible aussi mais constante, conforte cette impression des Français que leur pouvoir d’achat stagne.

Perception différente depuis l’euro

Un sentiment appuyé par la conjoncture économique depuis l’instauration de la monnaie unique. Au début des années 2000, avant l’entrée dans l’euro, la hausse des prix se généralise dans la grande distribution. Touchant des biens achetés au quotidien, cet épisode, pourtant temporaire, semble avoir influencé durablement la perception des ménages sur l’évolution des prix. « Le passage à la monnaie unique est également révélateur de la différence entre inflation mesurée et inflation perçue. L’inflation calcule un panier de biens moyens, alors que la hausse des prix n’a pas affecté les ménages de la même façon. » détaille au site l’Internaute Fabrice Lenglart, chef du département des comptes nationaux de l’INSEE.

Des dépenses contraintes en hausse

Au-delà de l’inflation, la hausse des dépenses contraintes est un facteur du décalage entre mesure du pouvoir d’achat et perception des ménages. La part des dépenses contraintes a augmenté de 16 % entre 1960 et 2005. L’augmentation des dépenses liées au logement et à l’utilisation de véhicules individuels en ont été les principaux responsables. A revenu donné, cette croissance des dépenses contraintes semble signifier que les dépenses libres sont de plus en plus réduites, ce qui pourrait être un élément d’explication à cette différence de perception. « Attention cependant à ne pas mal interpréter cette tendance, prévient Fabrice Lenglart. Elle s’effectue dans un contexte d’élévation continue du niveau de vie en France. » La définition de dépenses contraintes diverge en effet entre les instituts économiques et les Français, ces derniers intégrant les impôt directs et remboursement d’emprunt comme dépenses contraintes, qui ne sont pas comptabilisés par l’INSEE. En clair, la différence de perception s’explique par le décalage entre une moyenne calculée à l’échelle d’un pays et l’individualisation des ménages qui le constitue.

Irvin Blonz