
Dans l’une des salles du cinéma Pathé-Bellecour, des intellectuels spécialistes du marché du travail ont échangé leur point de vue sur le revenu universel. Leur credo : investir dans la formation et créer des emplois aptes à relever le défi du vieillissement de la population plutôt que de distribuer des allocations sans conditions.
Ils sont venus débattre pour répondre à la question : « Faut-il payer les gens à ne rien faire ? ». Et ces intellectuels présents à Lyon mercredi étaient plutôt unanimes. La réponse est non. « Si on donne du pain, alors il faut donner des jeux. Or, les jeux mènent au vice », lance l’économiste Pierre-Noël Giraud. Pour ce professeur de l’Université Paris-Dauphine et de l’Ecole des Mines, le revenu universel n’est pas la solution à une économie qui ne crée plus d’emplois.
« Le pain, c’est paternaliste. Et les jeux, abrutissant », déclare Monique Cantos-Sperber, directrice de recherche au CNRS. Sur la scène, les conférenciers s’accordent pour rejeter la perspective d’une société où l’oisiveté serait rémunérée. « Les allocations doivent inciter les individus à reprendre un travail, à retrouver un rôle dans la société, pas l’inverse », poursuit-elle. La philosophe préfèrerait que l’Etat investisse dans la formation pour que les qualifications soient davantage adaptées au marché du travail.
L’inutilité, un mal dangereux
D’après les intervenants, l’« inutilité économique » est l’un des maux les plus dangereux de nos sociétés post-industrielles. « Les chômeurs de longue durée passent leur temps à la recherche d’un emploi qui n’existe pas », déplore Michel Berry. Le fondateur de l’Ecole de Paris du Management s’inspire de l’expérimentation des « territoires zéro chômeurs » pour affirmer que l’argent des allocations serait plus utile s’il était investi dans l’économie pour créer des emplois.
Le principal argument exposé pour justifier leur désamour du revenu universel : la raréfaction de l’emploi n’est pas une fatalité. « Il existe un bouquet de solutions pour créer de l’emploi dans les nouveaux secteurs de l’économie », avance Michèle Debonneuil, inspectrice générale des Finances. Cette ancienne conseillère de nombreux ministres de l’Economie préconise de créer des emplois situés à mi-chemin entre le numérique et l’aide à la personne.
« Le travail des aidants était jusque là invisible »
« La société aura besoin de travailleurs qui seront l’intermédiaire entre les objets de santé connectés et les patients », précise Michèle Debonneuil. De son côté, Monique Cantos-Sperber salue les avancées de l’actuel gouvernement concernant la rémunération des personnes qui prennent soin d’un proche au quotidien. « Le travail des aidants était jusque-là invisible », rappelle-t-elle. Comme la philosophe, les conférenciers tablent davantage sur la rémunération des activités déjà réalisées, qui sont utiles à la société, plutôt que sur un revenu universel.
Chloé Barbaux