
La conférence sur le modèle de développement indien s’est tenue jeudi à l’Hôtel de Région. Catherine Bros, maître de conférences en sciences économiques à l’Université de Marne-la-Vallée, a dressé un portrait inquiétant du marché de l’emploi indien.
Chaque année, douze millions d’Indiens arrivent sur le marché du travail. Pour certains économistes, l’Inde se dirige vers ce que l’on appelle un « dividende démographique ». En effet, l’arrivée de jeunes actifs sur le marché de l’emploi va permettre le développement de la croissance du pays. Les jeunes diplômés vont dégager des ressources à travers la consommation et l’épargne, ce qui favorise la croissance.
Cette arrivée massive de jeunes actifs permet aussi de réduire le rapport de dépendance démographique de l’Inde, passé de 80% à 50% en quelques années. Ce taux désigne les personnes qui « dépendent » des autres (c’est-à-dire les enfants et les personnes âgées), par rapport aux actifs qui sont capables de répondre seuls à leurs besoins. En Chine, par exemple, il est de 40%.
Une nécessité: créer de l’emploi
Durant les dix prochaines années, l’arrivée annuelle de 12 millions de nouveaux actifs a une conséquence majeure. L’Inde va devoir créer 1 million d’emplois par mois. Si elle n’y arrive pas, cela pourrait provoquer un cauchemar démographique. Si ces jeunes ne trouvent pas d’emploi faute de postes disponibles, aucun dividende n’est produit.
Pour éviter cela, Catherine Bros liste deux conditions. Il faut d’abord des actifs assez diplômés et « que leurs diplômes répondent à une demande des entreprises« . Ensuite, la croissance indienne doit permettre la création d’emplois. En Inde, 50% des actifs travaillent dans l’agriculture. Le secteur a une croissance de 2%, mais la main-d’œuvre est peu qualifiée. Cela ne correspond donc pas aux 12 millions de jeunes entrant sur le marché du travail.
Un horizon flou
Dans l’industrie, la demande n’est pas à la hauteur non plus. Les entreprises du secteur sont dans une tendance de mécanisation, faute de trouver des candidats convenant à la demande. Malgré son évolution, poussée par le gouvernement de Narendra Modi, l’industrie est donc moins créatrice d’emplois qu’elle ne pourrait l’être. Elle représente aujourd’hui 7% seulement du PIB indien.
En ce qui concerne le secteur tertiaire, l’Inde se développe dans des secteurs de niche, comme la biotechnologie. Cela crée peu d’emplois. Le constat est implacable : « Un point de croissance indienne ne crée aucun emploi, il en détruit. » Alors, quel avenir pour les jeunes actifs indiens? « Il y a un certain malaise sur les perspectives économiques de l’Inde » a conclu Catherine Bros.
Etienne Dujardin