
La conférence « Questionner les réponses de l’économie », à l’Université Catholique de Lyon, réunissait quatre économistes . Selon eux, leur science doit changer pour mieux répondre aux préoccupations sociales et écologistes.
« Faut-il repartir de zéro en sciences économiques ? Oui », n’hésite pas à répondre Aurélie Piet, économiste indépendante. Ce constat a beau être sévère, il est partagé par les quatre économistes réunis à la conférence : les mécanismes de marché historiquement plébiscités par l’économie ne suffiront pas à la transition écologique. « Le problème, c’est que les économistes ne sont pas outillés pour modéliser un ré-encastrement de l’économie dans les limites planétaires », explique Laurence Scialom, professeure d’économie à l’Université de Nanterre. « La macroéconomie, par exemple, n’intègre pas les flux de matière ». Pour Aurélie Piet « c’est une science qui se contente d’observer. C’est comme si l’économie donnait un antidouleur à la planète sans chercher à comprendre la cause de la douleur ».
Refonder l’économie, mode d’emploi
Alors, comment faire évoluer l’économie pour mieux répondre au changement climatique, le défi majeur de l’économie ? André Orléan, directeur de recherches émérite au CNRS, propose de réadapter la notion d’utilité. Cette théorie économique, qui définit la valeur d’une ressource en la mettant en relation avec les besoins des consommateurs, pourrait selon lui être refondée : si les désirs des citoyens changent, la valeur qu’ils accordent aux produits le pourraient aussi. Pierre-Noël Giraud, lui, professeur à Mines Paris Tech et à Paris-Dauphine, estime qu’il faut prendre le temps de réexaminer la définition du besoin.
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Pour cela, Laurence Scialom propose de mobiliser l’Etat, bien sûr, mais aussi les collectivités territoriales et les entreprises, pour leur capacité à communiquer et à mobiliser des acteurs. Aurélie Piet, elle, salue les initiatives des économies alternatives comme l’économie sociale et solidaire, l’économie collaborative, l’économie environnementale… Des chemins qu’il faut suivre pour remodeler l’économie d’aujourd’hui à notre convenance : « L’économie, c’est le capitalisme, il n’y a pas d’économie sociale aujourd’hui, assène André Orléan. Soit on décide que le capitalisme est incapable de répondre au dérèglement climatique, et dans ce cas-là l’économie ne sert à rien ; soit, comme le capitalisme est malléable, on crée un capitalisme vert ». L’économie serait donc en transition ; « nous sommes en train de vivre une crise d’adolescence de l’économie », s’amuse Aurélie Piet. « Le capitalisme avait du bon, mais il ne doit plus être notre but », selon elle.
Marine SALAVILLE