
Pour se développer, les start-up doivent-elles collaborer avec les grands groupes ? Quels sont les intérêts des uns et des autres à travailler ensemble ? Autant de sujets au coeur d’une conférence, ce matin aux Jéco. Simon Bitaudeau, start-up manager à l’incubateur numérique H7 a répondu à nos questions.
Est-ce obligatoire pour une start-up de collaborer avec les grands groupes ?
Cela dépend de l’objectif : la start-up collabore-t-elle parce que le grand groupe est leur client, est-ce pour atteindre des clients du grand groupe, est ce pour un partenariat industriel, financier… Par exemple, les start-up qui ont des modèles BtoC, donc avec des produits directement destinés aux consommateurs, ont souvent intérêt à collaborer pour se placer sur le marché. Ce n’est pas une obligation, mais c’est un vrai accélérateur ! À H7, sur 70 jeunes entreprises accompagnées, plus de la moitié travaille déjà avec des grands groupes. Ces derniers sont souvent très intéressés pour travailler avec les jeunes entrepreneurs pour avoir une nouvelle offre, ou pour se positionner de manière différente par rapport à la concurrence.
Quels sont les freins à la collaboration entre jeunes pousses et grands groupes ?
Il y a des appréhensions respectives de chaque côté : les entrepreneurs ont souvent peur de se faire prendre leurs idées, les start-up ont peur de perdre trop de temps face à des cycles de décision qui sont longs, de ne pas avoir les contrats, de ne pas trouver les bons interlocuteurs. Les grands groupes ont également peur de ne pas être en capacité de suivre l’état d’avancement rapide de la start-up, ou que celle-ci ne soit pas assez solide pour se développer sur le temps. Ou encore à l’inverse, de créer un sentiment de dépendance en étant le plus gros contrat de la jeune entreprise. Il y a donc des appréhensions mutuelles qu’il faut lever, et se mettre d’accord sur des objectifs très clairs dès le début : pourquoi collabore-t-on ? Quels sont les objectifs ? Quelles sont les étapes de la collaboration, les dispositifs de sortie, c’est-à-dire quand est-ce que l’on arrête si jamais ca ne marche pas, ou à l’inverse, si ça marche, qu’est-ce que l’on prévoit pour la suite ? Tout cela doit être pensé dès le début de la collaboration.
Y-a-t’il, comme certains le déplorent un « tourisme à l’innovation » dans les grands groupes ?
C’est vrai qu’il y a beaucoup d’entreprises qui veulent découvrir, tester leur culture à l’innovation. Elles veulent visiter des incubateurs ou des accélérateurs comme le nôtre et rencontrer des start-up. Ça peut entre un biais important, car nous, quand on travaille avec les grands groupes, c’est pour créer une relation durable, pour que le partenariat puisse se développer, et pas faire simplement du « cosmétique ». Il faut éviter les boîtes qui viennent juste voir des entrepreneurs parce qu’il y a de nouvelles choses comme de la robotique ou de l’intelligence artificielle. C’est intéressant à regarder bien sûr, mais l’acculturation, c’est primordial. Cette sensibilisation, elle commence par les collaborateurs dans le grand groupe, en interne car sur des partenariats d’innovation, il y a beaucoup de freins en interne : de la direction juridique, de la sécurité des achats, de la direction informatique, des managers de proximité… On invite donc nos partenaires à venir faire des formations à H7, certains ont même des bureaux à H7. C’est la multiplication de ces points de contact qui permet de créer la relation de confiance, indispensable pour un partenariat durable.
En quoi la métropole de Lyon se démarque-t-elle des autres territoires ?
Nous, à Lyon, on est très fort dans le jeu vidéo. On a aussi pas mal d’entreprises dans le domaine de la santé et de la chimie… Ce sont des thématiques sur lesquelles on peut avoir des collaborations spécifiques avec les grands groupes de la région. De plus, la métropole est plutôt aidante sur ces sujets-là. Elle a notamment lancé un groupe de travail sur libérer l’innovation avec les collaborateurs de l’entreprise. Ils sont un réel soutien de cette démarche de coopération. Lyon n’est bien sûr par la seule ville engagée pour l’innovation : je pense notamment à Paris, où un lieu nommé Raise Up dédié à la collaboration start-ups – grands groupes, vient d’ouvrir.
Jeanne BIGOT