Katheline Schubert : « Il y a un black-out sur le prix du carbone »

© Paris School of Economics

Professeure d’économie à l’université Panthéon-Sorbonne, Katheline Schubert est aussi membre du Haut Conseil pour le Climat et du Conseil d’analyse économique. A l’occasion de la conférence « Les experts dans la démocratie », nous l’avons interrogée sur sa vision des expert⸱e⸱s dans le débat public.

En tant qu’experte, comment êtes-vous intégrée à la prise de décision politique ? 

Je ne suis pas consultée en tant que personne, mais par l’intermédiaire des organismes auxquels je suis rattachée. Avec le Conseil d’analyse économique, nous élaborons des notes dans lesquelles nous donnons des conseils de politiques économiques. Du côté du Haut Conseil pour le Climat, nous rendons des rapports et des avis. Très récemment, nous avons indiqué dans notre avis qu’il ne fallait pas que la France ratifie le Traité sur la Charte de l’Énergie (TCE). Et finalement, le gouvernement a suivi nos recommandations en sortant de ce traité, qui protégeait les investissements dans les énergies fossiles. 

Concernant les enjeux climatiques, les chercheur⸱se⸱s sont-ils assez écouté⸱es en France ? 

Les chercheurs sont écoutés quand ils arrivent au bon moment avec leurs conseils, c’est-à-dire au moment où la société est mûre et que le gouvernement va ainsi trouver un bénéfice à suivre ces conseils. En ce qui concerne le climat, il y a une nette augmentation de l’intérêt de la population pour ces sujets. Pour le moment, on ne nous consulte pas plus, mais il est probable que nos rapports soient plus lus et qu’il va être plus facile de faire passer des politiques publiques liées à ces enjeux. 

Y a-t-il un sujet qui vous tient à cœur et qui reste exclu des politiques publiques ?    

En France, depuis les Gilets jaunes, on a mis un black-out complet sur le prix du carbone. Pourtant, mon opinion profonde c’est que sans prix du carbone sérieux, on ne va justement pas atteindre nos objectifs. À cause du mouvement de contestation, on ne remet pas ça sur la table, ce qui est très dommageable. D’autant plus avec les conséquences de la guerre en Ukraine où le prix des énergies fossiles a fortement augmenté. Il est complètement inaudible de rajouter des taxes sur un prix qui a déjà explosé. Donc ce sujet est totalement bloqué et c’est un point de frustration important.

Propos recueillis par Juliette Pommier et Mara Noury