
Un invité de marque ce mercredi aux Jéco : Romano Prodi, ancien président du Conseil italien et ancien président de la Commission européenne de 1999 à 2004. A l’occasion de la conférence “A quoi sert le plan de relance européen ? », il a évoqué la place de l’Europe sur la scène internationale.
Quel premier bilan l’UE peut-elle dresser de sa gestion du Covid ?
Chaque crise rend l’Europe plus forte. Mais c’est vrai, nous sommes dans le moment le plus difficile de la vie européenne de ces dernières années. Le plan de relance, d’un montant de 750 milliards d’euros, a démontré la force de l’Europe mais nous avons sous-estimé la gestion de la crise économique. Le Covid nous a fait penser que tout pourrait être résolu mais nous n’avons pas assez anticipé l’inflation. C’est certes l’une des conséquences de la guerre en Ukraine mais elle avait déjà débuté avant le conflit. Le levier économique est essentiel à la sortie de crise.
L’Europe doit-elle investir plus dans l’armée ?
Il faut être honnête : la force militaire européenne, c’est l’OTAN. Et l’OTAN c’est l’Amérique. L’Europe doit prendre son indépendance et se doter d’une force militaire propre pour assurer sa défense. Depuis des années les Pays baltes et la Pologne le répètent. Mais tant qu’on ne change pas notre politique, inutile d’augmenter le budget des armées. Je pense que la France peut exercer la primauté politique que l’Allemagne joue sur le plan économique: elle a toute légitimité avec son droit de veto au Conseil de Sécurité de l’ONU et la possession de l’arme nucléaire.
Quelle place pour l’Union européenne entre les États-Unis et la Chine ?
Nous avons un pouvoir économique comparable aux Chinois et aux Américains, mais nous n’avons aucun rôle dans la politique mondiale. Pour une institution comme l’Union européenne, c’est terrible. Sans pouvoir politique, nous perdons notre place économique. Aujourd’hui, toutes les grandes entreprises sont chinoises ou américaines. (…) Mais il n’y a pas d’européennes dans le Top 10, alors que nous avons des possibilités incroyables ! Par le passé, nous avons eu une politique industrielle de premier plan, il faut retrouver cette énergie. Par exemple, les constructeurs de semi-conducteurs français devraient travailler avec leurs collègues allemands. Nous avons bien plus à gagner en incarnant une concurrence européenne globale à l’échelle internationale plutôt qu’en se battant pour obtenir des investissements internationaux. Individuellement nous ne sommes rien, unis nous sommes beaucoup.
Propos recueillis par Edgar Groleau et Juliette Pommier