L’impôt sur la terre : une taxe idéale ?

"Plus la ville est grande, plus la terre est chère", rappelle Alain Trannoy, l'animateur de la conférence. (©Illustration/ Adobe Stock)

L’idée de taxer la terre a traversé les siècles, comme celle que cet impôt est juste et efficace. Six intervenantes étaient réunies mardi 15 novembre pour discuter de ce sujet à l’Université de Lyon 3, à la fois sous un angle historique puis en le reliant aux problématiques contemporaines.

Taxer la terre, qu’est-ce que ça veut dire ? « On va prendre le jeu du Monopoly », illustre Thomas Michael Mueller lors de la conférence des Journées de l’économie intitulée « Taxer la terre, une vieille idée encore neuve ». L’historien de l’économie a décidé de remonter dans le temps pour expliquer pourquoi ses prédécesseures du XIXe siècle ont eu l’idée de taxer la terre. « Quand vous tombez sur la propriété d’un joueur, vous lui devez de l’argent. En transposant, c’est la rente foncière. Et c’est cette rente que l’économiste Henri Georges veut taxer », soutient Thomas Michael Muller.

Cette préoccupation du XIXe siècle demeure plus que jamais contemporaine, car l’achat d’un appartement ou d’une maison est étroitement lié au prix de la terre. Alain Trannoy, l’animateur de cette conférence, le rappelle : « Les jeunes qui ne sont pas aidés par leurs parents ne parviennent pas à accéder à la propriété: cela crée un mécontentement social. » Pour y remédier et « modérer l’utilisation du foncier en ville », l’une des solutions exposées par le directeur d’études à l’EHESS est de « taxer la terre en fonction de sa valeur ».

Et à cause de la hausse des prix de l’énergie et de l’inflation, certaines collectivités locales décident de renflouer leur caisse en augmentant la taxe foncière. C’est le cas de Paris, qui a annoncé augmenter la taxe foncière locale de 50%.

Cette augmentation impactera en majorité les plus riches. Car c’est une taxe qui réduirait les inégalités, un impôt « juste ». Puisque plus les Françaises sont riches, plus iels ont de propriétés, d’après les cartes présentées par Mathias André lors de la conférence. Ce chargé d’étude à l’Insee commente, « Vous voyez que plus on s’approche du centre de Paris, plus les gens possèdent cinq logements ou plus. Ainsi près des Champs-Élysées, 70 % des logements sont la propriété des personnes qui ont cinq logements ou plus. »

« Il y a l’idée que c’est une taxe parfaite qui réconcilie efficacité et justice », évoque Béatrice Cherrier, historienne de l’économie au CNRS, qui reprend la théorie du « Georgisme », un courant de pensée développé par Henri Georges à la fin du XIXe siècle. Ce dernier critique la propriété privée de la terre qui conduit à une augmentation des inégalités sociales. Il veut instaurer un impôt unique sur la valeur foncière pour rééquilibrer la situation. Etienne Wasmer, professeur d’économie à l’université de New York à Abu Dhabi, acquiesce : « C’est une taxe efficace, car quand les gens occupent beaucoup d’espace à un endroit où la terre est chère, ils empêchent les autres de passer. C’est donc une incitation à réduire l’utilisation de l’espace. »

Et Mathias André conclut: « la taxe foncière en France est amenée à augmenter car la taxe d’habitation est en train d’être supprimée ». En 2023, cette taxe aura disparu, mais uniquement pour les résidences principales.

Adèle Marchais