
Comment aller vers la frugalité, vers une moindre consommation des ressources, dans le contexte de crise énergétique actuel ? Lors d’un entretien croisé aux Journées de l’économie, deux spécialistes de l’économie ont décortiqué les manières concrètes pour parvenir à la sobriété… et les limites de la méthode.
Le décor est planté par Christian du Tertre, professeur d’économie à l’université Paris Diderot : « la sobriété, c’est obtenir une forme de confort mais en ayant une consommation moindre » . En juillet dernier, un grand plan de sobriété énergétique a précisément été annoncé par Emmanuel Macron, dont l’objectif est de réduire de 10% la consommation d’énergie en France en deux ans.
Changer les modes de vie
Parvenir à la sobriété implique des changements individuels, mais aussi collectifs, expose Mathieu Saujot, chercheur à l’IDDRI (Institut du développement durable et des relations internationales). Par exemple : modérer ses températures de chauffage, se déplacer avec des véhicules plus légers ou encore utiliser des sites Internet qui consomment moins de données.
Selon lui, un développement plus sobre est nécessaire à la transition écologique : » Il y a des limites dans la capacité de la planète à générer les services qui la rendent vivable. (…) Les scénarios énergétiques pointent que le levier de la sobriété devient de plus en plus central car la crise environnement se renforce. » Le dernier rapport du Giec paru au printemps inclut, en effet, une définition de la sobriété : » des politiques et mesures permettant de limiter la consommation d’énergie, d’espace et de matière, tout en satisfaisant le bien-être humain dans les limites de la planète « .
La remise en cause des modèles économiques des entreprises
Mathieu Saujot a conscience que cette forme de développement nécessite un » taux d’adhésion important », car il « touche aux modes de vie et à la façon dont on perçoit le progrès » . C’est là une contradiction de la sobriété, selon Christian du Tertre : » On demande aux ménages de manière indifférenciée une consommation plus réduite et en même temps on laisse les entreprises tranquilles, se développer et être rentables « .
Pour le spécialiste, la frugalité appelle à de plus profondes remises en cause économiques : » Nous avons besoin d’inventer de nouveaux modèles économiques d’entreprises qui sortent de cette logique industrialisée qui n’a que faire de la sobriété ! » D’une part, il faudrait » se dégager de la concurrence désastreuse « d’après Christian du Tertre. D’autre part, il appelle à » inventer une autre façon d’habiter le territoire » et » arrêter la métropolisation catastrophique « .
Léa Beaudufe-Hamelin