
Avec une inflation glissante annuelle au-dessus de 6% en France, le gouvernement, pour préserver en partie le pouvoir d’achat des ménages, a dû déployer un bouclier tarifaire inédit. Ces mesures ont-elles fonctionné ? Aux Jéco ce jeudi, six spécialistes ont dressé le bilan de cette année 2022 placée sous le thème de l’inflation.
C’est un des thèmes les plus brûlants du moment. Évoquée dès la séance d’ouverture des Jéco, la question du pouvoir d’achat préoccupe autant les économistes que les pouvoirs publics. Les six intervenant⸱e⸱s de la conférence « Le pouvoir d’achat menacé » ont établi un bilan précis et chiffré de la situation afin d’identifier les citoyen⸱ne⸱s les plus affectés par l’inflation.
Pour commencer la conférence, un chiffre : 6,2% d’inflation au mois d’octobre selon l’INSEE. Son directeur, Jean-Luc Tavernier, a présenté avec précision cette récente recrudescence, montrant qu’en janvier 2022 elle n’était qu’à 2,9%. « L’inflation devrait encore monter légèrement dans les prochains mois », a-t-il annoncé. En cause principalement : la flambée des prix de l’énergie. Et les chiffres sont d’autant plus impressionnants qu’ils prennent en compte l’effet du bouclier tarifaire déployée par le gouvernement français. « Sans les mesures d’intervention comme le plafonnement des prix et la remise à la pompe, on aurait pu avoir 2 à 3 points supplémentaires. » a assuré le directeur de l’INSEE.
Malgré ces leviers, le pouvoir d’achat des Français n’a pas été totalement préservé. « Il y a eu un ajustement important sur les salaires qui augmentent de 3,7%, mais l’inflation est supérieure, donc il y a une perte de salaire réel qui n’a pas existé depuis 1950 » a expliqué Mathieu Plane, directeur adjoint au département Analyse et Prévision de l’OFCE. Luc Mathieu, secrétaire national de la CFDT, a également souhaité nuancer en ajoutant que l’augmentation des rémunérations passait souvent par des primes plutôt qu’une hausse des salaires, ce qui ne permettait pas une protection durable des salarié⸱e⸱s.
Inégalités salariales et territoriales
Si tous les citoyen⸱ne⸱s ont vu les prix à la consommation augmenter, « il est difficile d’identifier ceux pour qui le pouvoir d’achat a le plus baissé » a admis Jean-Luc Tavernier. De fait, les plus bas revenus sont « protégés » de l’inflation grâce à l’indexation dont bénéficient le SMIC, les retraites ou les prestations sociales. « Le problème sera surtout pour les personnes rémunérées 10 à 20% au-dessus du SMIC, qui n’ont aucune garantie d’augmentation de salaires » a complété Mathieu Plane.
Il a par ailleurs précisé que le pouvoir d’achat des habitants des zones rurales et périurbaines était davantage fragilisé par la hausse des prix de l’énergie. Constat confirmé par Edouard Henaut, directeur général France de Transdev : « Nous ne sommes pas tous égaux sur la mobilité. Lorsqu’on vit en centre-ville, on peut utiliser les transports qui coûtent en moyenne sept fois moins cher. »
Orsetta Cause, responsable de recherche au département des affaires économiques de l’OCDE, a confirmé ce constat en montrant que les ménages ruraux consacraient 12% de leurs dépenses à l’énergie, contre 6% à Paris. Elle a également montré que ces inégalités sévissaient de manière similaire à échelle internationale puisque la plupart des pays est concernée par l’explosion des prix de l’énergie.
Grâce à ces comparaisons, les intervenant⸱e⸱s se sont accordés pour constater qu’au sein de l’Union européenne, les Français⸱es étaient loin d’être les citoyen⸱ne⸱s les plus touché⸱e⸱s par la baisse du pouvoir d’achat, principalement grâce au bouclier tarifaire. Certain⸱e⸱s expert⸱e⸱s ont toutefois exprimé leurs doutes quant à la capacité de l’État français à tenir financièrement la cadence si les prix continuaient à augmenter.
Mara Noury
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