Depuis sa création en 2019, la maison des langues et des cultures d’Aubervilliers dispense des cours de théâtre multilingue. Ces ateliers sont l’occasion pour les nouveaux arrivants d’apprendre, de manière ludique, la langue française et sa culture, tout en valorisant leur patrimoine culturel personnel.
« Arrêtes, tu n’as pas le droit de faire ça ! » Dans un coin de la salle, quatre hommes crient, lèvent les points et gesticulent dans tous les sens. Ils ont l’air de se disputer. Anis, Abderrahmane, Arman et Mohammed sont en réalité en train de jouer un rôle.
Pour l’atelier de théâtre de la Maison des langues et des cultures d’Aubervilliers (MLCA), ils mettent en scène la pire bêtise effectuée par Abderrahmane lorsqu’il était petit : casser la télévision de ses parents en se chamaillant avec ses frères. Tous les lundis soir depuis quatre ans, ils sont une dizaine de personnes, d’horizons linguistiques et culturelles et diverses – Algérie, Tunisie, Maroc, Mali, Inde – à suivre le pas, à l’occasion de ces sessions multiculturelles dirigées par Georges.
« On est pas à l’école mais plutôt dans des cours ou tout le monde prends la parole avec ses moyens linguistiques », explique l’encadrant d’origine roumaine.

Premiers pas pour entrer dans la langue française
« Pour apprendre le français, c’est très bien. Se mettre en scène, parler de la météo, de leur vie quotidienne… c’est comme ça que l’on entre dans une langue », ajoute-t-il.
Premier exercice afin de faire plus ample connaissance, tous doivent se présenter à tour de rôle. Mama commence. Elle est une habituée. La femme originaire du Mali participe à l’atelier depuis cinq ans. « J’espère bien trouver un travail à temps complet en restauration », confie l’aide-ménagère, une fiche de vocabulaire de français entre les mains.
En face d’elle, Sylvianne acquiesce en signe de soutien. Elle n’est pas ici pour apprendre la langue de Molière mais adore ces « moments de partage ». Pendant la durée de l’atelier, la doyenne qui parle l’italien, l’anglais et un peu d’arabe fait le pont entre les différents cultures. Figure rassurante, Lina, Mumu et Mohammed n’ont pas hésité à la choisir pour incarner leur mère dans le jeu.
« Croiser des francophones et des apprenants du français pour un échange de vocabulaire, un enrichissement, et gagner en fluidité dans l’expression orale, c’est tout l’objectif de cet atelier », explique Georges, coordinateur de la MCLA, attaché à la notion d’atelier participatif plus que de cours.
« Fédérer les nationalités »
« Je ne fais pas beaucoup de bêtises », répond Anis à Georges, gêner de devoir aborder la question. A l’inverse, Mama est hilare à l’évocation de son récit. Si certains ont quelques difficultés à s’ouvrir verbalement, il leur est plus facile de le faire par le corps. « Le théâtre est une forme de parole. On ne s’exprime pas uniquement avec la bouche », souligne l’encadrant, spectateur silencieux poussant les artistes à mettre en scène une bêtise qui les a marqué durant leur enfance.

Les jeunes jouent à fond le rôle qui leur est attribué, laissant éclater les rires dans la pièce. « On travaille beaucoup sur la confiance en soi », exprime Georges. Un exercice qui a l’avantage de rassembler et de faciliter le contact.
Car justement, cet atelier est l’occasion d’éveiller à la diversité culturelle.
« La MCLA est un endroit de co-construction permanente où des personnes arrivent démunies de français mais munies d’autres connaissances linguistiques et culturelles. »
Carlos Semedo, président et fondateur de l’association.
Et la mairie soutien ce projet. « Aubervilliers est une ville monde avec plus de 120 nationalités », explique Martial Byl, directeur de la vie associative et de la citoyenneté de la ville. Il y a un objectif de « fédérer ces nationalités », ajoute l’élu qui constate le succès de l’association qu’il finance à hauteur de 35 000 euros et à laquelle il fournit les locaux.

Des ateliers qui affichent complet
En effet, depuis janvier, et encore plus depuis la rentrée 2022, l’association a atteint sa vitesse de croisière. « C’est impressionnant ! Sur tous les ateliers, on a des listes d’attente. Jeudi, sur celui pour les enfants, on est censé être 15. On sera 18 », affirme Carlos Semedo stupéfait. Au total, l’association accueille entre 200 et 250 personnes par semaine. Le prix : 10€ par personne par an pour assister à tous les ateliers.
La session se termine. Abderrahmane est débutant, mais semble déjà très investi. Malgré un français approximatif, le jeune homme n’a cessé de jouer dans sa langue d’apprentissage. Deux heures plus tard, son sourire ne le lâche pas. La semaine prochaine, il compte bien revenir.
Emilie Barthe
Pour en savoir plus :
Aubervilliers : une maison pour toutes les langues – Le Parisien
Aubervilliers : c’est parti pour la maison des langues et des cultures – Le Parisien