À Pierrefitte, lutter contre la précarité énergétique : un défi quotidien

Shakti 21 organise contre la précarité énergétique des visites à domicile

En Seine-Saint-Denis, un habitant sur trois est en situation de précarité énergétique, à cause d’un logement mal isolé ou d’un manque de ressources pour se chauffer. Depuis 2013, l’association Shakti 21 intervient auprès des habitants de Seine-Saint-Denis au travers d’ateliers collectifs et de visites à domicile gratuites pour les aider à réaliser des économies d’énergie.

Jean-Denis habite avec sa femme et cinq enfants dans une maison de 100 m2 située dans un lotissement de Pierrefitte-sur-Seine depuis 2015. Devenu propriétaire de cette maison en 2017, Jean-Denis a commencé à engager des travaux d’extension. Il a installé de la laine de verre au premier étage, mais n’a pas encore isolé les parois du rez-de-chaussée. « J’ai des factures d’énergie qui s’élèvent à 250 euros par mois, cela devient très compliqué de les payer », explique Jean-Denis. Le père de famille est employé à la prison de la santé et sa femme travaille dans une crèche. Tous deux gagnent le SMIC et ont cinq enfants à charge, de 8 mois à 18 ans. Face au montant considérable de leurs factures d’énergie, leur assistante sociale leur a proposé de faire appel à l’association Shakti 21 pour les aider faire des économies.

visite précarité énergétique Shakti21
Cécile relève l’utilisation des heures creuses sur le compteur électrique lors d’une visite à domicile

Lors de cette première visite à domicile, les deux salariés de Shakti21, Cécile et Florian, repèrent les éventuelles sources de surconsommation d’énergie du foyer. L’association aide chaque année plus de 80 ménages de Seine-Saint-Denis à réduire leur consommation d’énergie en leur montrant les gestes à adopter et en leur fournissant des kits de pommeaux de douche économes. Les deux salariés de Shakti 21 accompagnent Jean-Denis dans chaque pièce de la maison. Tout passe en revue : les radiateurs, le chauffe-eau, le réfrigérateur, la ventilation, les appareils électriques. Aucun problème pour le réfrigérateur et la machine à laver, « presque neufs », ou encore la ventilation qui évacue correctement l’humidité. En revanche, « le chauffe-eau est en surconsommation de 50 % », annonce Florian, après avoir relevé la température de l’eau. « Les constructeurs la placent fréquemment au maximum, alors que cela n’est pas nécessaire », reprend-il. Les radiateurs à bain d’huile utilisés par la famille sont également très énergivores et devront être remplacés. À la fin de la visite, Florian et Cécile posent un premier diagnostic d’environ 12 000 euros pour réaliser l’isolation complète de la maison. Avec les aides de l’association, celles de la municipalité et de l’État, il resterait environ 3 000 euros à charge du foyer. Une somme « impossible à débourser, surtout avec les travaux que j’ai commencés », constate Jean-Denis.

Des aides de l’État contre la précarité énergétique souvent peu sollicitées

L’association Shakti21 dispose de peu de moyens pour financer les travaux d’isolation des foyers qu’elle visite. Pour le moment, Jean-Denis pourra bénéficier du prêt de plusieurs radiateurs moins énergivores, et d’une aide de 2 000 euros grâce à des fondations qui soutiennent Shakti 21. La mairie de Pierrefitte-sur-Seine intervient aussi pour aider les ménages en situation de précarité énergétique. Celle-ci est souvent liée à un manque de ressources : 30 % des ménages de Seine-Saint-Denis vivent sous le seuil de pauvreté. Les plus touchés sont les locataires du parc privé. Contrairement au parc social, ils ne bénéficient pas d’un plafonnement de leur loyer et font face à des bailleurs privés peu sensibilisés à la question énergétique. Pour les ménages les plus précaires, la municipalité attribue des chèques pour solder les factures d’énergie. « Nous payons directement le fournisseur pour éviter les coupures d’électricité », explique Ammar Rahouani, adjoint au maire de Pierrefitte en charge de la question énergétique. Des aides qui permettent chaque année à des dizaines de milliers de foyers de gérer leurs dépenses énergétiques.

« Les personnes ont peur de se faire escroquer, donc elles ne font pas la demande des aides », souligne Caroline Ferrero, directrice de LogisCité

Elles visent à compléter celles que l’État met déjà à disposition des particuliers. Pourtant, une étude de l’association de la Croix Rouge LogisCité publiée en 2022 montre que peu de ménages qui pourraient bénéficier du chèque énergie ou du Fonds Solidarité Logement, en font la demande. Caroline Ferrero, directrice de LogisCité, l’explique par la méconnaissance de ces aides. « Les personnes ont peur de se faire escroquer, donc elles ne font pas la demande », souligne-t-elle. En question selon elle, « de nombreuses arnaques liées au chèque énergie et des campagnes abusives sur l’isolation à 1 euros » qui ont eu raison de la confiance des ménages envers toute forme d’aide possible.

Des premières économies sur les factures d’énergie rapidement réalisées

facture énergie
Pour réaliser des économies d’énergie, il peut être utile de mettre en place des heures creuses sur son compteur électrique

L’augmentation du prix de l’énergie au cours des derniers mois rend d’autant plus cruciale l’aide apportée par les associations sur le terrain. Selon Caroline Ferrero, « davantage de personnes seront en situation de précarité énergétique cet hiver, car le prix de l’énergie augmente plus que celui des salaires ». Déjà en 2021, selon le rapport de l’Observatoire National de la Précarité, 60 % des Français ont restreint leur utilisation du chauffage, par crainte de factures trop élevées. Florian, à Shakti21, constate néanmoins le bénéfice de leurs actions sur le court terme : « aujourd’hui une assistante sociale nous a parlé d’une personne que l’on avait accompagnée l’année dernière et qui avait pu économiser 1000 euros de gaz ». Pour Jean-Denis, la prochaine étape est de monter un dossier avec l’association pour lister les travaux d’isolation à réaliser et demander une aide de l’État. Sur la table de sa cuisine trône désormais un petit thermomètre vert, rappel que « chaque degré au-dessus de la température conseillée coûte 100 euros ». Une manière d’éviter à tout prix d’être dans le rouge dans sa maison et dans son portefeuille.

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