
Le président de la République Emmanuel Macron réunit ce mardi les représentants des 50 sites industriels les plus polluants de France. Parmi eux, des représentants de l’industrie du ciment, qui a pourtant déjà pour horizon d’être neutre en émission carbone d’ici 2050.
Une baisse de 24 % des émissions carbone d’ici 2030, et une industrie neutre en émission d’ici 2050, voilà la feuille de route déjà fixée par l’industrie du ciment en France selon un communiqué du Syndicat français de l’industrie cimentière. Pourtant à ce jour, le secteur fait partie des plus gros pollueurs de France, avec 25 % des émissions industrielles selon le Think Tank The Shift Project, qui travaille notamment sur la question de la décarbonation de la production française.
C’est à ce titre que les représentants des principales entreprises du secteur seront reçu à l’Elysée ce mardi, avec en tête d’affiche Lafarge, et son concurrent Calcia. Les deux entreprises tiennent pourtant depuis de nombreuses années un discours quasi-écologiste, et affichent une « politique de l’environnement » sur leur site respectif.
Une industrie polluante malgré tout
D’ici quelques années, à l’horizon 2030, l’entreprise Lafarge, leader du secteur, ambitionne que « 100 % de nos carrières à contexte écologique fort ou modéré auront mis en place un partenariat territorial ou des échanges avec un expert ou une organisation ». De quoi mettre en place des « discussions », comme lors de cet après-midi de réception à l’Élysée. Y était présent le Shift Project, qui prévoit peu ou prou les mêmes dates butoirs pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. Selon Rémi Babut, représentant du Think Tank, les solutions à apporter son pourtant différentes que celles proposées par l’industrie. « Les cimentiers misent sur une innovation de rupture, la capture et stockage du carbone. Il faudrait mettre en place des processus chimique pour aller capter du carbone dans l’air. C’est le dada de ceux qui ne voudraient pas qu’on réduise les émissions ».

Pourtant, cette solution n’a pour l’instance pas d’existence concrète. De plus, elle serait, si elle est mise en place, un mauvais calcul si elle est utilisée à mauvais escient, explique Rémi Babut. « La captation de CO2 est très énergivore. Mais elle pourrait s’avérer utile à certains endroits critiques, comme en sortie des fours à clinker ». C’est cette « farine », composée principalement de calcaire, qui est à la base de la fabrication du ciment. Elle demande à être chauffée à haute température pour être transformée : c’est cette étape qui rejette la plus grande partie du gaz à effet de serre pour fabriquer le matériau. C’est également une étape essentielle, qui constitue la partie incompressible des baisses d’émissions polluantes.
Nécessaires restrictions énergétiques
Le groupe HeidelbergCement, propriétaire de Calcia, a investi 450 millions d’euros dans l’hexagone pour diminuer la consommation énergétique de quatre de ses neuf cimenteries. Le projet a été en partie financé par France Relance. La décision a été motivée par le coût important de l’énergie avec la guerre en Ukraine. Si le coût du Mégawattheure venait à dépasser 800 euros, l’entreprise a annoncé réfléchir à des arrêts de production, malgré un chiffre d’affaires de 10 milliards d’euros au premier semestre. Mais l’enjeu de cette baisse est double : Calcia cherche à afficher le bilan carbone le plus bas de ses concurrents. Avec l’objectif affiché de séduire des industriels de plus en plus soucieux de verdir leur image.
C’est le pari fait par le cimentier Hoffmann, qui vient de signer un partenariat avec Bouygues Immobilier en début d’année. Le cimentier est le premier à ne pas introduire de clinker dans son matériau, et parvient ainsi à diminuer par cinq ses émissions de gaz à effet de serre. L’entreprise devrait monter sa production à 550 000 tonnes de béton par an, une goutte d’eau par rapport au total de la production française de 16 millions de tonnes. Cette méthode de création à froid du ciment est pour l’instant au stade expérimental, et devra attendre une certification pour être développée plus largement.
Construire toujours
Pour réellement limiter le carbone du bâtiment, la solution envisagée par de nombreuses ONG serait d’occuper les trois millions de logements vacants en France, principalement dans les territoires ruraux. « Ce n’est pas le cimentier qui lance seul la production », rappelle cyniquement Rémi Babut du Shift Project. Le groupe a proposé ce mardi un plan pour « décarboner l’industrie sans la saborder ». Sans la saborder, il faudrait la limiter. Le constat est amer pour le think tank : 400 000 logements sont construits chaque année, pour seulement 250 000 demandes de ménages. Soit 150 000 logements qui ne répondent pas à la demande pour diverses raisons. Pour autant, la création de logements n’est pas prête de connaître une baisse malgré les recommandations de l’ONG : la tendance est à la baisse du nombre d’habitants par logement, et la migration vers les grandes villes, déjà saturées, se poursuit inexorablement.