Comment la Route du Rhum invente le bateau propre de demain ?


© Realnum/VPLP – Zephyr & Borée – Jifmar. Image issue du site internet de l’agence VPLP.

La course transatlantique, dont le départ est donné aujourd’hui, donne lieu à des innovations technologiques pour rendre les bateaux plus sobres, dans un contexte de prise de conscience de l’impact environnemental de la navigation. Les fabricants entendent faire profiter tout le secteur nautique de ces progrès écologiques.

“La course au large a beaucoup à apprendre au nautisme” s’enthousiasme Catherine Chabaud. A l’occasion d’un grand événement de présentation de la Route du Rhum le 8 octobre dernier, la navigatrice et députée européenne a souligné que les compétitions étaient des accélérateurs d’innovations, offrant à tout un secteur des perspectives pour réduire son empreinte carbone.  De plus en plus de navigateurs cherchent à concilier la performance sportive, basée sur la quête de vitesse, et la performance environnementale. Des équipes d’ingénieurs travaillent pendant des années à la conception de bateaux innovants, soutenus par des sponsors prêts à mobiliser des investissements conséquents en recherche et développement. “On a commencé à travailler sur les matériaux bio-sourcés avec l’Université Bretagne-Sud, et nous réfléchissons de manière systémique à tout ce que l’on peut réduire comme impacts sur un bateau : l’énergie, les matériaux, le traitement des eaux noires et grises” indique Catherine Chabaud.

L’entreprise VPLP innove depuis 1983 pour concevoir des bateaux à la fois plus rapides et plus sobres. Ses bateaux ont remporté les trois derniers Vendée Globe et toutes les Route du Rhum depuis 1990. Elle présente encore 29 bateaux au départ de la course cette année, dont certains sont équipés de foils. Ces ailes positionnées sur les coques entraînent une surélévation des embarcations par rapport à la surface de l’eau et favorisent ainsi une accélération de la vitesse, en utilisant uniquement l’énergie vélique. “Ces foils ont été développés dans le cadre de compétitions, mais on peut désormais envisager de les utiliser pour du transport de passagers, sur des distances Nice-Corse par exemple” explique Jérémy Bertaud, Office manager de l’agence VPLP.

Dans 10 ans, des porte-conteneurs portés par le vent ?

En 2010, lors de la Coupe de l’America, l’entreprise avait frappé les esprits en équipant un bateau d’une aile rigide en remplacement de la voile traditionnelle. “Pour un avion, un maximum de flux d’air passe sous les ailes et très peu au-dessus, cet écart de pression engendre une aspiration vers le haut. Pour un bateau, on place l’aile à la verticale et cela crée une aspiration vers l’avant, c’est exactement le même principe !” indique Jérémy Bertaud. Cette innovation créée pour améliorer la performance sportive dans le cadre d’une course au large est aujourd’hui reprise pour un tout autre usage et dans une démarche soutenable. En effet, VPLP a conçu un bateau long de 121 mètres et équipé de quatre ailes rigides pour transporter les éléments de la fusée Ariane 6 entre les ports européens et Kourou à partir de 2023. “Grâce à cette technologie, le bateau réduit sa consommation de fioul de 30 à 40 % et améliore son bilan carbone” se félicite Jérémy Bertaud. Le secteur du transport maritime manifeste un intérêt croissant pour cette technologie. Alors qu’il est à l’origine de 5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, il est contraint de se réinventer pour s’adapter aux nouvelles réglementations environnementales. 

Le modèle économique de VPLP repose sur un transfert de technologies des bateaux de course vers le domaine de la plaisance. Ce dernier offre une assise financière à l’entreprise, qui réinvestit ensuite dans la conception des bateaux de courses durables, créant ainsi un cercle vertueux.

Un bateau en fibre végétale

Photo : Robin Christol / Outremer. Issu du site internet We-explore.org

“Je navigue sur 1 hectare de lin” a lui déclaré Roland Jourdain, tout sourire, lors de la présentation de la Route du Rhum le 8 octobre dernier. Son catamaran de 18 mètres, “We explore”, a été construit à 50 % à partir de cette fibre végétale dans un atelier de Concarneau.  “Au-delà de la Route du Rhum, nous souhaitons diffuser ces techniques éco-responsables pour aboutir à un nautisme moins polluant” explique le navigateur. Aujourd’hui, la France compte 500 000 bateaux de plaisance avec des coques en plastique, dérivé du pétrole. Selon lui, la décarbonation est une condition à la survie-même de la navigation : “Il faut pas qu’on perde les générations suivantes qui trouveront que la voile n’est pas en cohérence avec leurs valeurs. L’objectif est  d’ouvrir de nouvelles voies pour que les marins du troisième millénaire continuent à aller sur l’eau, plus vite peut-être, mais obligatoirement plus propre”.

https://www.kairos-jourdain.com/fr/blog/kairos-environnement-met-a-l-eau-le-premier-voilier-a-foil-en-lin


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