Alors que Didier Deschamps doit annoncer ce soir la liste des joueurs sélectionnés pour le Mondial 2022, une lettre ouverte cinglante est parue ce matin dans Ouest France. Signée par plus d’une trentaine d’acteurs associatifs, sportifs et politiques, elle invite le monde du foot à se mobiliser pour la défense des droits des LGBT persécutés au Qatar. Une colère partagée par un certain nombre de jeunes membres de la communauté.
« S’il réagissent c’est très bien, mais en soi c’est déjà trop tard. » résume Eva, étudiante en sociologie de 22 ans et amatrice de foot. Si la jeune femme de 22 ans déplore l’organisation du Mondial de foot au Qatar dont les lois homophobes sont « dégueulasses », elle est lucide sur le fait que les professionnels du football français ne renonceront pas à la compétition qui s’ouvrira le 20 novembre. Pour autant, elle aimerait que la Fédération Française de Foot (FFF) ou les joueurs de l’équipe de France prennent position en faveur des droits des minorités sexuelles et de genre. « Ca permettrait aux LGBT de se sentir au moins un peu considérés. » justifie-t-elle, énervée.
Eva n’est pas la seule à espérer une prise de position. Pour Elen, étudiante bisexuelle de 23 ans, « le foot reste un milieu assez intolérant » et la situation est très compliquée pour les « footballeurs et les supporters queers ». Assez remontée contre la FFF, elle estime qu’ « un geste des responsables ça serait important pour ces gens-là » et permettrait d’ouvrir le débat sur « la queerphobie dans le foot français en général ».
Des associatifs et des politiques vent debout
La colère de ces jeunes LGBT est partagée par un certain nombre d’acteurs associatifs, sportifs et politiques. Ils sont plus d’une trentaine à avoir signé une lettre ouverte cinglante adressée au président de la FFF et parue dans Ouest France. Elle interpelle les professionnels et les invite à « assumer leur responsabilité morale » en « dénonçant les discriminations et les violations des droits fondamentaux dont sont victimes les personnes LGBT au Qatar ».
La lettre dénonce par ailleurs le silence de la Fédération, des grands clubs de foot mais aussi de l’équipe de France. « On attend une prise de conscience que les discriminations contre les personnes LGBT, ça concerne tout le monde, même Griezmann ou Mbappé » explique Julien Pontes, porte parole du collectif Rouge Direct, cosignataire de la lettre et qui lutte contre l’homophobie dans le foot.
Depuis l’annonce de la tenue de la Coupe du Monde au Qatar, une partie de la communauté LGBT s’est mobilisée pour signifier son mécontentement. Au-delà du coût environnemental et humain de fabrication des stades, le pays du Golfe est pointé du doigt pour sa législation homophobe. Comme le rappelle Amnesty International, l’article 296 du Code pénal « érige la ‘’sodomie’’ ou les relations sexuelles entre hommes en infractions passibles de peines pouvant aller jusqu’à sept ans de prison ». En avril 2022, les propos du responsable de la sécurité du Mondial appelant les personnes LGBT à la « discrétion » avaient déjà suscité l’émoi de nombreux responsables associatifs.
« J’attends rien de la FFF »
Si certains espèrent une prise de position des acteurs du foot et attendent Deschamps au tournant lors de sa prise de parole de ce soir, d’autres jeunes semblent plutôt résignés. Irène, lesbienne de 26 ans et footballeuse amatrice « [se] concentre sur le sport et essaye d’oublier ce qu’il y a autour ». Elle ne pense pas les professionnels du football capables de défendre la cause LGBT.
« Moi franchement, j’attends rien de la FFF, ou des membres de l’équipe. Je pense que si Deschamps ou les joueurs phares prenaient la parole ça serait très bien mais je ne m’y attends pas. » explique-t-elle dépitée. Pour elle, le sélectionneur se contentera d’égrener les joueurs qui partiront au Mondial et ne réagira pas aux récentes polémiques. « S’il réagit ce soir, je serai très agréablement surprise. » ajoute-t-elle.
Une chose est sûre, Didier Deschamps annoncera ce soir la liste des joueurs sélectionnés pour la Coupe du monde dans un climat tendu. Avant la parution de la lettre ouverte dans Ouest France, la question de l’homophobie au Qatar était revenue au cœur des débats après qu’un ambassadeur qatari du Mondial a déclaré à la télévision allemande que l’homosexualité était un « dommage mental ». Qu’elles portent spécifiquement sur la situation des LGBT ou sur les droits humains de manière générale, les critiques continuent de s’accumuler à moins de deux semaines du début de la compétition.