Route du Rhum : Une course durable ni pour la Guadeloupe, ni pour la planète


Des organisations environnementales, chercheurs et navigateurs appellent la Route du Rhum à changer son fonctionnement, dit peu écologique, alors que les skippers déploieront leurs voiles ce mercredi 9 novembre au port de Saint-Malo.

Lorsque l’on parle de la Route du Rhum, on pense à ses skippers solitaires, ses innovations technologiques dans le milieu nautique, et plus récemment, à l’impact de cet événement mondial sur l’environnement. Mais on ne parle pas toujours du coût environnemental généré par le tourisme en Guadeloupe à l’arrivée des voiliers, qui tient pourtant un rôle dans la pollution de cette compétition. 

Aujourd’hui, la course transatlantique est un énorme succès, avec près de
2 millions de visiteurs attendus pour l’occasion au port de Saint-Malo, où les voiliers partiront ce mercredi 9 novembre à 14h30. Et pourtant, plus de 80 passionnés de la voile ont signé une tribune publiée dans l’Équipe appelant sportifs, fabricants et journalistes à réinventer ce sport pour limiter son impact sur l’environnement. D’après ce texte, l’organisateur de la Route du Rhum OC Sport, a annoncé en 2018 que cette course au large « libère environ 145 000 tonnes d’équivalent CO2, la logistique et les transports représentant les trois quarts de ces émissions. »

Pourquoi la Guadeloupe ?

« Cette course a été inventée par les publicitaires et vendue à la Guadeloupe qui veut attirer le plus de touristes possible pour alimenter son système économique. » D’après Simon Fellous, un chercheur en écologie passionné par la voile qui a co-écrit la tribune publiée dans l’Équipe, l’arrivée en Guadeloupe est en partie responsable de cette pollution. 

En effet, la région Guadeloupe est le partenaire principal de la course depuis 2014. Ce partenariat est intéressant étant donné que le secteur économique de la Guadeloupe qui dépend partiellement du tourisme a été touché par la crise sanitaire. En 2020, la perte de chiffre d’affaires était estimée à 50% d’après le rapport économique de la Guadeloupe pour l’année 2021. Le tourisme découlant de la Route du Rhum est donc très attendu.

Les enjeux économiques de la course n’ont d’ailleurs rien de nouveau. La Route du Rhum a été conçue dans les années 70 par l’homme d’affaires Florent de Kersauson et le secrétaire général du syndicat des producteurs de rhum des Antilles Bernard Hass, qui voulait booster la consommation de rhum en France. Le rhum étant fabriqué avec du sucre de canne de Guadeloupe, Mr. Kersauson a lancé l’idée d’une course au large entre la France et les Antilles ouverte à tous les voiliers.

Une arrivée en Guadeloupe qui impacte la planète

Alors que de nombreux visiteurs se rendent au départ à Saint-Malo, d’autres prennent l’avion pour assister à l’arrivée des skippers au port de Pointe-à-Pitre en Guadeloupe. Un voyage qui a un coût environnemental pour la planète, étant donné qu’un aller-retour entre Paris et la Guadeloupe émet environ trois tonnes de CO2 par passager. 

Et il n’y a pas que les spectateurs qui prennent les transports, mais aussi les voiliers. « C’est choquant », s’inquiète Simon Fellous. En effet, les participants à la course ne rentrent pas toujours à bord de leurs propres vaisseaux et certains sont parfois contraints d’envoyer leur embarcation en France par cargo, défiant le principe de la voile qui n’émet pas de gaz à effet de serre. 

Mais la solution n’est pas simple. « Dire aux gens de ne pas aller en Guadeloupe, c’est complètement con », s’exclame Simon « Ce qu’il faudrait faire, c’est arrêter les allers simples ». En plus des visiteurs venus spécialement pour assister à la course, des équipes, sponsors et médias sont envoyés en Guadeloupe. « Il faudrait que la course soit aller-retour, explique le chercheur. Comme ça, on pourrait limiter les émissions de CO2 liées aux déplacements en Guadeloupe. » 

Une publicité dont il faut se débarasser

« Les compétitions de sport sont des véhicules de valeur, donc il faut faire attention à ce dont on fait la publicité », assure Simon, qui préfèrerait que les courses au large face de la publicité pour l’écologie et pas pour des marques de voiliers. « Et cela est vrai pour tous les sports, pas seulement la voile, explique-t-il. Il faut redéfinir le système du sport en repensant leurs modèles
économiques. » 

Quant à la Guadeloupe qui espère profiter des dépenses des touristes, Simon explique que la situation n’est pas durable ni pour la planète, ni pour la Guadeloupe. « Il faut se poser la question : comment peut-on accompagner la Guadeloupe dans une situation plus stable ? Elle ne peut pas continuer à dépendre du tourisme. »


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