Fin du monopole de la RATP : le débat promet d’être explosif


Cet après-midi, une loi est examinée à l’Assemblée pour reporter l’ouverture à la concurrence du réseau de bus de Paris et de la petite couronne, prévue pour le 1er janvier 2025. La coïncidence entre la mise en application de la mesure et les Jeux Olympiques inquiète certains. D’autres se positionnent totalement contre la fin du monopole de la RATP. Les salariés, eux, craignent un plan social massif.

« Reporter, c’est renoncer ». Pour Valérie Pécresse, pas question de remettre à plus tard l’ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien. Dans un entretien donné hier au Figaro, la présidente d’Ile-de-France Mobilité s’est dite prête pour « une mise en œuvre progressive » d’un réseau de bus privé à Paris et dans la petite couronne à partir du 1er janvier 2025.  

Cette intervention annonce la couleur des débats de cet après-midi. Une proposition de loi pour délayer la mesure à 2029, déposée par le député communiste Stéphane Peu, est étudiée à l’Assemblée.

Pour ouvrir le réseau de bus à la concurrence, Paris et la petite couronne ont été divisés en 12 lots, soumis à des appels d’offre. Keolis, Transdev, et la RATP elle-même, via sa filiale privée Cap IDF, sont déjà pressentis pour mettre la main sur les lignes de bus.

L’opération ne s’arrêtera pas là. Sur la liste, les tramways sont les prochains candidats. Viendront d’ici 2040 le métro et le RER.  

Les grandes étapes du plan d’ouverture à la concurrence du réseau des transports francilien. Source : Ile-de-France mobilité.

L’efficacité du réseau des transports en question

Alors que l’année 2022-2023 a été marquée par des dysfonctionnements importants sur le réseau RATP, entrainant la colère d’une partie des usagers, le débat sur la fin du monopole oppose deux camps.

D’un côté, ceux qui soutiennent que la concurrence est nécessaire à une amélioration de la qualité du service.

Marc Pélissier, président de la section Ile-de-France de la Fédération Nationale des Usagers des Transports (FNAUT) interrogé par IPJ-News, n’est pas contre la concurrence « sur le principe ». « Le réseau des transports en commun a déjà été ouvert à la concurrence dans de nombreuses villes », remarque-t-il. « Et la RATP répond déjà à des appels d’offre en province et à l’étranger. Il est donc logique que son propre réseau puisse être mis en concurrence ».

Selon lui, la privatisation du réseau de bus gagnerait cependant à être étalée dans le temps, « pour limiter les dysfonctionnements, et donc les risques pour les usagers ».

De l’autre, les défendeurs du service public pour une meilleure qualité des transports. Le collectif « Stop galère – rassemblement pour des transports de qualité », est notamment à l’origine d’une pétition pour améliorer l’efficacité du réseau. Parmi leurs revendications, le gel du coût du Pass Navigo, le rétablissement de la totalité de l’offre de transport, la revalorisation des salaires des conducteurs … et l’abandon de la privatisation des transports.

Le 6 avril, des membres du collectif Stop Galère se sont réunis à Evry pour dénoncer le projet de privatisation.

« Il nous apparaît dangereux voire fou de venir davantage déstabiliser le système de transports franciliens par une privatisation gourmande en termes d’investissements. », dénonce le collectif dans une lettre ouverte à la Première Ministre.

A la RATP, l’angoisse du plan social

Parmi les 16 000 machinistes de la RATP, on craint le dumping social. Et en effet, le prix des prestations est le critère principal de l’attribution des lots aux organismes privés par Ile-de-France Mobilité. Ce qui encourage les opérateurs à réduire leur masse salariale.

Bertrand Dumont, co-secrétaire à Solidaires-RATP interrogé par IPJ-News, dénonce le plan de la régie autonome. Pour lui, l’entourloupe vient de ce que les appels d’offre prévoient l’exploitation du réseau sur un lot pour un mandat de 5 ans. « Et donc ce qu’il va se passer, c’est que la RATP ne va pas se positionner dès le premier mandat. Elle va refiler la gestion à d’autres organismes, puis va revenir en force après 5 ans, et renégocier les salaires à la baisse », explique-t-il.

En cas de refus de leur nouvel employeur, les salariés pourraient être licenciés sans indemnité. « Ils vont essayer de casser nos statuts, de casser nos salaires, et casser nos avantages. », dit-il, amer.

A la tête de l’Etat, on redoute plus que tout l’éclatement d’un mouvement de grève au moment des Jeux Olympiques de 2024. Bertrand Dumont se montre pourtant peu optimiste quant à la mobilisation. « C’est compliqué d’organiser un mouvement de grève, comme la privatisation est étalée dans le temps. Là, en 2024, je vois mal les conducteurs de métro se mettre en grève pour les machinistes ».

Mais la crainte d’un nouveau mouvement social pousse Clément Beaune à s’afficher plus prudent que Valérie Pécresse. Le ministre des transports a annoncé vendredi vouloir faire preuve de « pragmatisme ». Quitte à prolonger, au moins de quelques années, le monopole de la RATP.