Procès d’Hubert Falco : après « l’affaire du frigo », état des lieux de la lutte anti-corruption en France


Ce mardi 11 avril se tient à Marseille le procès du maire de Toulon, entendu à la barre pour détournements de fonds publics. Une affaire qui questionne sur la place de la corruption en France, et sur les moyens engagés pour la combattre.

Hubert Falco au palais de l’Élysée, le 7 mai 2022. © Photo Sébastien Calvet / Mediapart

Plus de 300 000€ : ce serait le montant des services effectués aux frais du contribuables par le maire de Toulon, Hubert Falco, entre 2002 et 2018. L’ancien ministre aurait ainsi bénéficié de repas gratuits avec un frigo et un cuisinier qui lui étaient dédiés au conseil départemental du Var, alors qu’il n’y travaillait plus. A l’intérieur de ce frigo : des repas préparés d’avance pour les soirs et les week-ends, pour lui et son épouse.
A cela viennent s’ajouter des frais de pressing : le maire de Toulon aurait également fait laver ses chaussettes, débardeurs et pyjamas au frais du contribuable.
Laurent Defraize, l’un des cuisiniers ayant dénoncé la situation aux gendarmes s’est suicidé quelques jours après son audition. Il avait lancé l’alerte depuis 2016 et aurait subi de nombreuses pressions, comme le révèle cette enquête de Médiapart. Marc Giraud, ex-président du Conseil départemental du Var qui aurait donné son aval à ce système, comparaît également devant la justice. Le procès doit durer quatre jours.

Quels recours contre la corruption?

Cette nouvelle affaire de détournement de fonds publics relance le sujet de la corruption dans les hautes sphères de l’Etat, et questionne sur les moyens engagés pour lutter contre le phénomène.
La lutte peut tout d’abord s’effectuer au niveau associatif, comme c’est le cas pour ANTICOR. L’association s’est d’ailleurs constituée partie civile dans l’affaire des repas d’Hubert Falco.

Uniquement financée par les dons et les cotisations de ses adhérents, ANTICOR s’implique dans des affaires judiciaires importantes en signalant au parquet des faits susceptibles de recevoir une qualification pénale. Dans cette lutte, l’Agence Française Anticorruption (AFA), affiliée au ministère de la Justice, est également au premier plan. Mais elle a cependant montré ses limites : lors de son rapport d’inspection accablant rendu sur l’avionneur Dassault , l’agence n’avait proposé aucune sanction, ni alerté la justice.

Une lutte entravée par un manque de moyens

Les difficultés des différents dispositifs anti-corruption s’expliquent en partie par le manque de moyens alloués. Par exemple, avec seulement 18 procureurs pour gérer 700 dossiers, le Parquet National Financier (chargée de traquer la grande délinquance économique et financière) demeure sous doté. Le recrutement de deux procureurs et deux juristes assistants supplémentaires annoncé dans le dernier rapport annuel du PNF est un pas en avant, mais qui reste insuffisant devant l’ampleur de la tâche.
Le procureur national financier Jean-François Bohnert avait à cette occasion déclaré que la lutte contre la corruption en France « progresse », mais manque « d’actions et de moyens ».

Des organismes internationaux

A plus large échelle, on trouve l’ONG Transparency International. Chaque année, l’organisation publie son Indice de Perception de la Corruption (IPC). La meilleure note possible est 100, la moins bonne est 0. L’indice pour l’année 2022 a été révélé au 31 janvier dernier : la France se situe à la 21ème place du classement sur 180 pays et territoires, avec un score de 72.

Les scores reflètent l’opinion d’experts et d’hommes d’affaires. L’indice émane de treize sources externes, en particulier des organismes internationaux (Banque mondiale, OCDE, etc.). C’est donc un indice de perception, et non une mesure effective de la corruption.
Si le classement de la France en lui-même n’est pas mauvais, c’est la progression qui est intéressante. Avec seulement deux points et deux places gagnés depuis 2017, la France s’inscrit dans la dynamique globale de faible et lente progression dans la lutte contre la corruption.

De faibles progrès qui expliquent une défiance bel et bien ancrée, selon la dixième édition de l’étude « Fractures françaises » réalisée par la Fondation Jean Jaurès. Elle révèle qu’une majorité de Français (57%) reste convaincue que « la plupart des politiques sont corrompus ». Un chiffre toutefois en légère baisse : il s’établissait à 62% en 2013, date de parution de la précédente étude.

Clémentine Michel