
Julia Sedefdjian, plus jeune cheffe étoilée de France, était aux fourneaux pour préparer le repas servi à l’université Paris 8 de Saint-Denis, le mardi 6 décembre 2022. Une façon de valoriser la restauration étudiante, loin des polémiques qui entourent le Crous depuis le début de l’année.
Devant l’entrée du restaurant universitaire de l’université Paris 8, le mardi 6 décembre 2022, la file d’attente s’étend jusque dans le couloir menant à la bibliothèque. Au menu ce midi, salade de carottes et vinaigrette à l’orange, curry de patates douces et tiramisu. Une formule entrée-plat-dessert imaginée par Julia Sedefdjian, 27 ans, auréolée d’une étoile au guide Michelin depuis maintenant six ans.
Certains élèves sont venus spécialement pour l’occasion, d’autres l’apprennent à l’entrée du self. À table, l’accueil est mitigé : « Avec la distribution de prospectus et la promotion par mail, je m’attendais à un truc de malade, lâche Alicia, étudiante en première année de sciences politiques. Mais franchement, c’est moins bon que d’habitude. » Juste à côté d’elle, Luna, 18 ans, est conquise par les saveurs de cette formule méditerranéenne. En tout, ils sont plus de 1300 à profiter de ce menu spécial.
Redorer la restauration étudiante
À l’origine de cette initiative, le pôle évènementiel de l’université. Au mois de septembre, des chefs renommés de la région parisienne sont mis au défi : concocter un repas complet aux étudiants de Saint-Denis. « Tout le monde pense que la nourriture servi en Crous est industriel, évoque Maleka Mayemba, la nouvelle responsable marketing, fraîchement débarqué de l’académie de Versailles en janvier 2022. Mais ce n’est pas parce que cela coûte 3,30€ que ce n’est pas bon, que ce n’est pas sain, que ce n’est pas fait maison ».
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Julia Sedefdjian, cheffe du restaurant parisien Baieta, répond à l’appel. Engagée contre la précarité alimentaire et la malnutrition, elle visite les locaux, prend connaissance des contraintes techniques du site. En collaboration avec les douze cuisiniers du Crous, elle imagine les recettes avec pour condition, la nécessité de respecter un coût unitaire de 1,5€ maximum par étudiant. « J’étais surprise de voir que tout est frais, reconnaît l’ancienne cheffe des Fables de la Fontaine, où elle a décroché sa première étoile, à l’âge de 21 ans. Le chef met du coeur à l’ouvrage : il veut vraiment cuisiner. » Ce mardi matin, elle était en cuisine dès 6h45 pour mettre la main à la patte, avant de se prêter au service à l’heure du déjeuner.
« Ce qui se passe dans un Crous ne se passe pas nécessairement ailleurs »
« On a une chance inouïe à Paris 8, c’est que l’on ne dépend pas d’une cuisine centrale, partage de son côté Fabien, le chef en poste. On dispose d’une grande liberté et on est ainsi les seuls à proposer autant de choix. » Une situation qui dénote avec celle rencontrée dans d’autres Crous, notamment en Bretagne, où de nombreux étudiants font part depuis la rentrée de leur désarroi face aux quantités et à une qualité qui se dégradent.
Certes, la crise du Covid-19 a laissé des traces à Saint-Denis : plus d’un tiers des étudiants de Paris 8 sont cette année éligibles au repas à 1€, habituellement réservé aux boursiers. Mais « ce qui se passe dans un Crous ne se passe pas nécessairement ailleurs, rétablit Maleka Mayemba. La polémique née à Rennes a fait tache d’huile, alors que c’est infondé. »