
Portions réduites, qualité en baisse… Depuis la rentrée 2022, plusieurs restaurants universitaires français voient leur offre de services se dégrader. Et avec des comptes dans le rouge, difficile de redresser la barre.
Un plat de choucroute sans chou, une demi part de quiche dissimulée sous une unique feuille de salade et un morceau de brownie relégué au bord de l’assiette. Les photos, prises au restaurant universitaire (RU) de Rennes 2, le 28 octobre dernier, se sont répandues comme une traînée de poudre : « Même le rab est devenu payant », « C’est devenu immangeable », « Les étudiants sont pauvres, va falloir le comprendre »... Les réactions pleuvent, partout en France. Jusqu’à faire remonter le dossier en haut de la pile de L’Assemblée nationale.
Une offre toujours dégradée en Bretagne
Dès septembre à Rennes, les syndicats étudiants étaient montés au créneau : « Le grammage des recettes comme la proportion de repas carnés avaient diminué, dans tous les RU de Bretagne, relate Baptiste Le Masson, président de la Fédération des associations étudiantes de Bretagne occidentale (Fédé B). Cette décision du Crous (centre régional des œuvres universitaires et scolaires) était arbitraire. Si rien n’avait été corrigé, les étudiants auraient vu leur cadre de vie décliner. »
Rapidement, Yann-Eric Prouteau, arrivé à la tête du centre breton au printemps 2022, reconnaît des « erreurs » et rétablit partiellement l’offre de restauration. Mais l’insatisfaction perdure chez les étudiants bretons. Nouvelle levée de bouclier au début du mois de novembre. Et il y a encore quelques jours, la Fédération des associations de Haute Bretagne (FAHB) réitérait ses critiques. « Nous ne sommes pas revenus à la situation que nous connaissions avant l’été, partage Lola Blandin-Bourgeon, sa présidente. Va-t-elle se poursuivre en 2023 ? Nous avons besoin d’informations concrètes de la part du Crous. »
Tensions d’approvisionnement et hausse du coût des matières premières
Le cas breton est-il isolé ou existe-t-il un problème plus fondamental au sein des Crous français ? A Reims et à Besançon, les élèves ont aussi dénoncé la dégradation de l’offre de restauration universitaire. A Strasbourg, c’est un jeu concours, accusé « d’utiliser la précarité étudiante comme un outil-marketing », qui avait été pointé du doigt.
Le Cnous (centre national des œuvres universitaires et scolaires), qui chapeaute l’ensemble des 26 antennes régionales, est en effet victime de la crise. 80% de ses achats proviennent d’une plateforme centrale. Mais avec le conflit en Ukraine, celle-ci subit des tensions d’approvisionnement sur les denrées alimentaires : « Certains fournisseurs peinent à honorer les commandes, comme sur les pommes de terre ou la viande rouge, informe le service communication du Cnous. Dans certains territoires, les filières locales ne parviennent pas à compenser. »
Dans le même temps, le prix des matières premières s’envole : « Le coût de production d’un repas est passé à 8 € », confiait récemment la présidente du Cnous, Dominique Marchand, au journal Ouest-France, alors même le prix de vente a été maintenu à 3,30€ pour tous les étudiants.
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La crise du Covid-19 a laissé des traces
Un déséquilibre qui vient aggraver la santé financière des Crous. En 2020, une mission flash conduite par l’Assemblée nationale pointait les pertes engrangées à la suite de la crise sanitaire. Elles étaient alors estimées à près 200 millions d’euros.
Un an plus tard, le réseau était toujours en déficit. La faute, en particulier, à la mise en place de repas subventionnés pour soutenir les plus précaires (ticket d’accès au RU à 1€ pour les boursiers et ceux qui ont font la demande).
Pour couronner le tout, les RU multiplient les investissements pour répondre aux exigences de la loi Egalim. Votée en 2018 et complétée en 2021 par la loi Climat et Résilience, elle impose à tous les acteurs de la restauration collective de servir au moins 20% de produits biologiques et 50% de produits durables et de qualité à leurs usagers. Et ce depuis le 1er janvier 2022.
« Un bijou que l’Etat ne s’emploie plus à polir »
Le Cnous s’endette, alors même que les étudiants voient leur portefeuille s’amaigrir de jour en jour. En octobre 2022, l’inflation s’établissait à plus de 6% sur un an. Partout en France, les aides alimentaires organisées au sein des universités sont saturés, et les repas à bas prix des RU sont de plus en plus prisés. D’après le Cnous, leur fréquentation a bondi de près de 20% depuis la rentrée.
Dans cette situation, les organisations étudiantes en appellent à l’aide de leur tutelle, le ministère de l’enseignement supérieur : « Le réseau des œuvres (Cnous, N.D.L.R) est un bijou que l’Etat ne s’emploie plus à polir, écrit la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) dans un communiqué. Il est impératif que l’État réalise une réelle bifurcation afin que ce bien commun soit conservé. »
Etienne LANNUZEL
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