Les refuges animaliers se préparent à une hausse d’abandons

Les chats et les chiens sont les premiers concernés par l'abandon en fin d'année.

La flambée du prix des produits pour animaux décourage l’adoption alors que les associations, déjà pleines à craquer, craignent la période des fêtes. En 2021, 5000 animaux avaient été abandonnés.

Dans les rayons de l’animalerie Moustaches à Paris, friandises, accessoires et jouets font le bonheur des chiens et chats du quartier. Mais cette année “tout coûte plus cher”, constate Karine, venue refaire son stock de croquettes pour son border collie Dolce. Pour un paquet de 4kg, elle débourse 32,50€, contre 29€ au printemps. Même son de cloche pour Léon et son siamois Gribouille : le sac de litière de 6kg est passé de 26€ à 32€. Alors qu’en 2022, le prix des produits animaliers a augmenté de 13%, l’inflation va encore progresser. Début novembre, Michel-Edouard Leclerc, directeur des enseignes leaders de la grande distribution, a annoncé une hausse de 41% pour 2023. Une nouvelle qui ne réjouit pas les associations de protection animale qui craignent une hausse des abandons après les fêtes.

L’inflation touche aussi l’animalerie Moustaches à Paris. Crédit : Juliette Pommier

“Après les départs en grandes vacances, la fin d’année est la deuxième grande période d’abandon”, rappelle Anissa Putois, responsable médias chez Peta (People for the Ethical Treatment of Animals), association de défense des droits des animaux. L’animal placé sous le sapin devient vite un poids économique pour des familles qui “s’en débarrassent comme d’un bien de consommation” quelques semaines plus tard. Le coût d’un compagnon est bien souvent sous-évalué par les propriétaires.

Infographie : Quel est le coût d’un animal ? Crédits : Juliette Pommier

Si les canidés et les chats sont les premiers concernés, les NAC (nouveaux animaux de compagnie) – serpents, iguanes, oiseaux – sont aussi “abandonnés dans des associations ou en pleine nature”. L’an passé, la SPA a recensé 5 000 abandons entre décembre et janvier. 

3629 animaux attendent un foyer

Difficulté supplémentaire cet hiver : les refuges sont déjà pleins à craquer. 3 629 animaux sont à l’adoption dans les 75 refuges, maisons SPA et dispensaires du territoire. Le week-end dernier, le centre d’Essuiles-Saint-Rimault (Oise) ouvrait ses portes pour trouver un foyer à ses pensionnaires. 70 chats et 60 chiens attendent. “Pendant la crise sanitaire, les adoptions ont connu un bon : besoin de s’occuper, avoir une raison de sortir…, poursuit la porte-parole. Avec la fin du télétravail, les propriétaires sont revenus au bureau. Certaines bêtes ne l’ont pas supporté et ont développé des tocs”, poursuit la porte-parole. Les problèmes de comportement sont la troisième cause d’abandon.

La législation actuelle punit l’abandon d’un compagnon domestique de trois ans de prison et 45 000€ d’amende, mais il reste encore beaucoup à faire. La loi visant à lutter contre la maltraitance animale et à conforter le lien entre les animaux et les hommes, promulguée en novembre 2021, instaure de nouvelles règles pour l’adoption. Notamment la création d’un certificat d’engagement et de connaissance des besoins spécifiques de l’espèce. Mis en œuvre depuis le 1er octobre 2022, c’est une première étape pour “limiter les achats impulsifs”, souligne Anissa Putois. Peta plaide aussi pour l’interdiction des salons chiots et chatons et celle de la vente en ligne de compagnons domestiques. Sur le site Leboncoin, les annonces de vente d’animaux sont légions. “Un marché parallèle”, qui favorise les “adoptions non réfléchies”, déplore la responsable. Prochaine étape dans la lutte contre la maltraitance animale : à partir du 1er janvier 2024,  “pour des raisons éthiques et sanitaires” la vente de chiens et de chats sera interdite.

Stériliser plutôt qu’euthanasier

Christophe Bonal, vétérinaire à Gramat (Lot), milite lui pour la stérilisation. Co-signataire d’une tribune de 100 professionnels contre l’abandon, parue l’année dernière dans le JDD, il explique : “Cela évite un tas de portées non désirées et limite l’euthanisie de bêtes en pleine santé.” Sans stérilisation, une chienne et sa progéniture peuvent mener à la naissance de 67.000 chiots en à peine six ans, et en sept ans, une chatte et ses petits peuvent engendrer le nombre astronomique de 370.000 chatons, d’après Peta. “L’opération permet également d’éviter à l’animal des maladies graves : tumeurs aux mamelles, aux ovaires ou testicules, cancer de l’utérus, infections prostatiques…”, complète le médecin. Mais pour Christophe Bonal, tout ne doit pas passer par des lois. Si en Suisse, le nombre de chiens par foyer est limité par la législation, il n’est pas “pour la surveillance” mais “pour la prévention et l’éducation du public”.

Juliette Pommier