
La municipalité de Paris voudrait réglementer les décors en fleurs artificielles qui ornent les devantures des cafés et restaurants parisiens. Plusieurs élus dénoncent les effets de ce phénomène et son impact écologique.
Hortensias, glycines, cerisiers… Différentes espèces fleurissent artificiellement les devantures des cafés et restaurants parisiens. Pour le plus grand plaisir des touristes. Mais face à cette « surenchère », la mairie de Paris a décidé d’agir. Certains élus écologistes s’interrogent notamment sur la provenance de ces fleurs en plastique ou tissus, toutes plus colorées les unes que les autres.
« Ce qui nous pose problème, c’est qu’il n’y a rien de durable là-dedans, lance Frédéric Badina, conseiller de Paris appartenant au groupe écologiste. Les acteurs qui produisent ces fleurs le font soit en plastique, soit en tissus. Même si elles durent, rien n’est démontré. C’est plus un argument de vente qu’autre chose. » Le délégué auprès du maire du 18e arrondissement, chargé de la propreté de l’espace public, du réemploi et de l’économie circulaire, dénonce ce « concours de façades fleuries qui débordent dans tous les sens ». Il est pour lui nécessaire de « remettre du cadre là-dedans », afin de veiller à ce que « ça ne devienne pas une foire ».

Des fleurs made in China
Ces fleurs jetables viendraient le plus souvent de Chine, selon l’élu écologiste, qui assure que le bilan carbone du dispositif « pose question ». S’il n’y a pour l’heure pas eu d’étude précise sur le sujet, il tient à souligner l’impact écologique de ce « phénomène de mode ». Il ajoute : « Même s’il est encore difficile à chiffrer, ce phénomène prend de l’ampleur dans la capitale. Il suffit d’aller se balader dans les rues les plus touristiques pour s’en apercevoir. C’est devenu un marché très juteux, à la fois pour ceux qui ont eu l’idée de faire ces décors floraux et pour les commerçants qui les utilisent. »
Olivia Polski, adjointe à la maire de Paris, en charge du commerce, de l’artisanat, des professions libérales et des métiers d’art, confirme que la mairie va « regarder au cas par cas chaque situation, pour vérifier que les commerçants aient bien déposé des dossiers à la direction de l’urbanisme ». Elle déplore la multiplication de ces décorations artificielles et admet préférer la végétalisation naturelle. Selon l’élu, la copropriété devrait en premier lieu être consultée pour obtenir une autorisation. Dans certains secteurs, les Architectes des bâtiments de France (ABF), et notamment le Service métropolitain de l’architecture et du patrimoine (SMAP 75), auraient aussi leur mot à dire.

« Ça embellit les rues »
Luc Deschamps, fleuriste dans le 17e arrondissement de Paris, crée des décorations florales depuis maintenant sept ans. S’il travaille principalement en Ile-de-France, cette tendance gagne progressivement d’autres régions. « Mon chiffre d’affaires a quasiment été multiplié par deux en un an et demi », explique-t-il depuis Courchevel, où il installe justement un décor floral. Le soixantenaire reçoit en moyenne trois demandes par jour pour des devis. « Le minimum, c’est 5 000 euros, mais ça peut grimper jusqu’à 15 000 euros », détaille-t-il. Les fleurs en tissu sont soient montées sur du vrai bois, soit sur des tiges en plastique, qu’il confirme être importées de Chine. Un décor qui ne demande « aucun entretien » comparé aux fleurs naturelles, et qui « dure plusieurs années », se justifie-t-il.

Le restaurant Florida, dans le quartier des Halles de Paris, a opté pour une glycine d’un rouge flamboyant. « On nous reproche de tuer le patrimoine parisien. Mais quand les bâtiments et leurs façades sont laides, les habitants sont ravis de voir toutes ces couleurs. Ça embellit les rues et ça attire les touristes », tient à souligner Alexandre, l’un des serveurs. Les touristes sont d’ailleurs nombreux à s’arrêter devant la façade. C’est le cas d’Anthony et Laura, un couple de trentenaires originaires de Normandie, qui se prennent en photo devant le bâtiment coloré. « On voudrait que ça reste comme ça et qu’il y en ait même davantage ! C’est très beau et ça met de bonne humeur », sourit la jeune femme.
« Certes, ce sont des fleurs artificielles, mais je ne crois pas que ce soit la chose la plus polluante à Paris », lance quant à lui un salarié de La Favorite Saint-Paul, dans le 4e arrondissement de Paris, sans cacher son agacement. Cette brasserie a fait d’importants investissements pour recouvrir sa façade d’un vaste tapis de fleurs rose vif dans le Marais. On essaie toujours de se renouveler, de trouver des idées pour que les clients aient l’envie de pousser les portes de nos commerces, et on nous le reproche. Il faut que la municipalité cesse de vouloir nous chercher des poux dans la tête. Nous sommes des cibles faciles. L’écologie a bon dos. »
Lola DUFEU
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