
Portions minimales ou prix qui augmentent. A la rentrée, le CROUS de Rennes s’est retrouvé au cœur d’une polémique, accusé de jouer avec la précarité étudiante. Celui de Créteil cherche au contraire à figurer comme un bon exemple.
Mardi midi, la file d’attente s’allonge devant le restaurant universitaire de l’Université Paris 8 à Saint-Denis (93), qui dépend du CROUS (centre régional des œuvres universitaires et scolaires) de Créteil. Les étudiants rentrent au compte-goutte et sont accueillis par Lynne, une représentante étudiante payée par l’organisme. Elle leur présente le menu du jour, conçu par la plus jeune cheffe étoilée de France Julia Sedefdjian. Un menu unique, composé d’une salade de pois chiches ou de carottes en entrée, d’un curry végétarien ou de poisson en plat principal. Et en dessert, les étudiants ont le choix entre tiramisu au café et un chou à la vanille. « Le plat végétarien était bon, car bien épicé, et j’ai beaucoup apprécié les boudoirs du tiramisu, même si je ne suis pas fan de café à la base », raconte Luna, 18 ans, étudiante en première année de licence de science politique. Les autres jours, il y a davantage de choix au niveau des plats. Le restaurant universitaire tient six stands, dont un dédié aux grillades et un autre aux pizzas. Julie, qui patiente dans la queue du self avec ses camarades de licence d’histoire, déclare ne jamais avoir eu à se plaindre des portions. « Ici, on mange vraiment à notre faim », glisse-t-elle.
En Bretagne, des réductions « drastiques » prises par le CROUS
Fin octobre, le syndicat étudiant de l’université de Rennes 2 partageait des photos de plats servis dans un restaurant universitaire de la capitale bretonne. On y aperçoit une choucroute sans chou, ou encore une part de quiche avec une simple feuille de salade. La publication fait rapidement le buzz, jusqu’à la classe politique. « Honteux », a ainsi pu commenter sous le tweet le député LFI-NUPES Carlos Martens-Bilongo.
« Ici, ils appliquent une logique d’entreprise et pratiquent une politique proche de l’austérité »
Steve Xhihani, vice-président étudiant du CROUS de Bretagne et membre du syndicat Union pirate
Depuis la rentrée, le syndicat Union Pirate dénonçait une réduction « drastique » de l’offre de restauration au CROUS de Rennes. De nouvelles formules ont été validé avant l’été : le nombre de plats à base de viande a été limité à deux par semaine, le fromage est devenu un supplément payant, et il faut s’affranchir de 30 à 80 centimes supplémentaires si l’on préfère choisir une deuxième entrée au lieu d’un dessert, ou vice-versa. Pire encore, un tweet publié en septembre fait remarquer que des « pasta box » coûtaient plus cher à la cafétéria universitaire que dans un supermarché
« Le problème que l’on rencontre avec les CROUS, c’est qu’ils ont une gestion autonome de leur budget », explique Steve Xhihani, vice-président étudiant du CROUS de Bretagne et membre du syndicat Union pirate. « Ici, ils appliquent une logique d’entreprise et pratiquent une politique proche de l’austérité », déplore-t-il. Le 16 septembre, l’antenne régionale a partagé un communiqué, où elle propose des solutions comme l’élargissement de l’offre de sandwichs dans la formule à 1 euro pour les boursiers, ou la possibilité de prendre désormais deux entrées ou deux desserts au lieu d’un seul, si pénurie. En attendant, Steve et ses camarades de l’Union Pirate tentent de négocier pour de « véritables » changements. « On leur a proposé de taxer un peu plus les cannettes ou les friandises en caisse par exemple, car il y a déjà peu d’étudiants qui les prennent car cela coûte assez cher en complément du prix du repas », explique le représentant étudiant. La prochaine commission restauration du CROUS Bretagne devrait se réunir en janvier ou février.
Calendrier de l’avent avec cadeaux à gagner à Créteil
« Les CROUS sont autonomes dans leur budget et dans les initiatives qu’ils choisissent de mettre en place », confirme Maleka Mayenga, responsable communication et marketing du CROUS de Créteil. C’est elle qui a eu l’idée de ramener la cheffe étoilée Julia Sedefdjian dans le restaurant de l’université Paris 8, après une discussion avec son supérieur. « On a voulu contacter cette cheffe étoilée car elle est d’origine niçoise, comme lui », confie-t-elle. Le restaurant universitaire de Saint-Denis, où s’est déroulé l’événement, présente aussi l’avantage de ne pas être dépendant d’une centrale. Il est donc autonome dans l’achat de ses produits, dont une grande partie est issue du local, et dispose d’une équipe de 9 cuisiniers. « On embauche aussi des étudiants pour la préparation des sandwichs, et pas que la plonge », glisse Fabien, le chef du restaurant universitaire.
En 2022, le CROUS de Créteil a pourtant fait face à 21 jours de blocus, par des étudiants qui dénonçaient la précarité et le prix des repas. Par trois fois, l’entrée du restaurant de Saint-Denis a été forcée. Des personnes s’étaient servies directement au niveau des stands, sans payer en caisse, ce que confirme l’équipe de restauration. « Nous formons l’académie qui rassemble le plus d’étudiants aux échelons les plus élevés (5, 6 et 7), sur trois départements dont le 93, qui est le plus pauvre de France métropolitaine donc oui, nous rencontrons d’importants problèmes de précarité », indique Maleka Mayenga.
Pour le mois de décembre, un jeu-concours a été organisé sur Instagram, avec la possibilité de remporter des cadeaux comme des smartphones, des casques Bluetooth ou des ordinateurs portables. L’objectif selon la responsable communication ? Essayer de « faire le maximum pour contribuer au bien-être » et « améliorer la vie » des étudiants, avec les moyens dont l’antenne dispose.

La réponse doit être « gouvernementale », pour l’UNEF
L’Union nationale des étudiants de France (UNEF), syndicat qui compte le plus de représentants étudiants au CROUS de Créteil, salue les actions individuelles de celui-ci, en faisant part de ses revendications à plus grande échelle. « Les CROUS fonctionne avec des dotations publiques, et l’on comprend bien que certains peuvent faire face à des difficultés budgétaires avec l’augmentation du prix des matières premières, et la hausse du taux de fréquentation de 15 à 30% depuis le début de l’année, concède Salomé Hocquard, responsable des questions sociales au Bureau national de l’UNEF.
« La réponse doit être gouvernementale : les étudiants n’ont pas à subir une baisse de leur qualité de vie, tout cela car l’Etat ne veut pas financer davantage », ajoute-t-elle en précisant que le syndicat est favorable à la mise en place de la formule à 1 euro pour tous les étudiants de France, boursiers ou non. Reste à savoir si le restaurant universitaire de Saint-Denis continuera de proposer une offre gastronomique de temps à autre à ce prix, pour plus d’un millier d’étudiants affamés.
VG