Rosny-sous-Bois, entre pollution et bétonnisation

Rosny-sous-Bois est l'une des plus communes les plus bétonnées de l'Est parisien. © Sascha Garcia

Le projet d’extension du centre commercial Rosny 2 ravive les revendications environnementales des habitants et des associations locales. Une aberration écologie pour une des villes les plus mal loties de la région. 

« À Rosny, on va à contre-courant de tout ce qu’on entend sur l’écologie. » Dans la petite annexe de la mairie de Rosny-sous-Bois, nichée au cœur des immeubles résidentiels du centre-ville, les Rosnéens se succèdent. Ce lundi 5 décembre marque la fin d’une enquête publique commencée un mois plus tôt. Jean-Claude et Martine Bougeard, habitants de la ville depuis 50 ans, ont fait le déplacement. L’objet de toutes leurs véhémences : l’extension prochaine du centre commercial Rosny 2.  

Ce mastodonte du commerce draine des milliers d’automobilistes chaque jour. Et donc de la pollution. « Nous sommes dans une cuvette à Rosny-sous-Bois. Entre les voitures, l’autoroute A86, les trains et les bus, au bout de deux jours, j’ai de la poussière sur les meubles et les aérations noires de pollution », tempête Martine Bougeard. Arrivée avec son mari quelques semaines avant l’ouverture de Rosny 2 en 1973, elle n’est pas la seule à subir les répercussions d’un tel pôle commercial en face de chez elle. Avec ses 120 000 mètres carrés et ses 170 boutiques, le centre attire plus de 15 millions de visiteurs par an. 

Si l’extension de Rosny 2 est réalisée, le centre commercial deviendra le deuxième plus grand de France, après Westfield La Part-Dieu (Lyon). © Sascha Garcia

Toujours plus grand, toujours plus polluant

Cela ne suffit plus au groupe Unibail-Westfield-Rodamco (UWR). En 2019, le promoteur réussit à faire valider les quatre permis de construire par l’ancien maire. Sont prévus 30 000 mètres carrés de surface commerciale en plus, 180 places de parking, un Carrefour Drive et un immeuble de bureaux. En décembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil les suspend, suite aux recours effectués par trois associations écologistes, Alternatiba Rosny, MNLE 93 et Notre Affaire à Tous. En cause : une étude d’impact environnementale jugée insuffisante.

Une décision qui a contraint URW à fournir une nouvelle étude d’impact en mai dernier et qui a déclenché l’enquête publique auprès des rosnéens. Mais les permis modificatifs ne convainquent toujours pas les habitants et les associations. « Rosny-sous-Bois est déjà en plein îlot de chaleur avec une pollution atmosphérique inquiétante. Le projet touche à la fois à l’environnement et à la santé », décrypte Nicolas, porte-parole de l’association Alternatiba Rosny. « C’est une zone déjà sinistrée ! »

Les habitants en font les frais, les associations en ont la preuve. Environnement 93 a publié un avis sur la délivrance des permis de construire modificatifs de Rosny 2. Résultat : la commune de Rosny-sous-Bois est la deuxième commune la plus exposée aux particules fines de l’EPT Grand Paris Grand Est. 64 tonnes par an de PM10 et PM2.5, les particules les plus dangereuses pour le corps humain, car elles pénètrent profondément les poumons.

Ajouter du béton au béton

Et ce n’est pas tout. Catherine*, une autre Rosnéenne venue déposer un avis défavorable au projet Rosny 2, n’en peut plus du gris de sa ville. « Rosny 2 va accentuer encore les inégalités. Ici, il y a beaucoup de personnes qui passent l’été à la maison et qui fréquentent le centre commercial. Elles seraient sûrement contentes de pouvoir venir s’asseoir sur un banc et profiter des espaces verts ! » Problème : ces derniers sont quasi inexistants. Rosny-sous-Bois ne possède que 9,4 hectares d’espaces verts, soit 2,1 m2/habitant. Trop peu pour l’OMS, qui préconise un taux de 10m2. C’est l’une des villes les plus bétonnées du Grand Paris Grand Est. Et les quelques mètres carrés de verdure prévues par Westfield ne suffisent pas aux habitants et aux associations. « C’est pas une vingtaine d’arbres autour du centre qui va renverser la balance », critique Nicolas. 

L’arrivée prochaine des lignes de métro 11 et 15 dans cette petite commune de Seine-Saint-Denis est une aubaine pour le groupe UWR qui souhaite faire de Rosny 2, « un site incontournable de l’est parisien ». Catherine ne voit pas les choses de cette œil-là. « Nous serons à 20 minutes de Châtelet-Les-Halles, alors pourquoi agrandir ce centre commercial ? Dans quelques années, vous verrez, il n’y aura plus personne »

« Si nous avions eu les moyens de partir, nous l’aurions déjà fait »

Plus de transports, plus de voiture, plus de pollution. Environnement 93 rappelle que Rosny 2 se trouve à l’extérieur de la zone à faible émission, qui interdit aux voitures Crit’Air 4 et 5 de rouler dans la petite couronne. Les véhicules les plus polluants ne pourront plus pénétrer cette zone et circuleront majoritairement aux alentours du centre commercial et dans la ville de Rosny-sous-Bois. Une incidence qui n’a pas été prise en compte par Westfield. Jean-Claude et Martine Bougeard se plaignent des fortes  nuisances sonores et s’inquiètent pour leur santé. « Si nous avions eu les moyens de partir, nous l’aurions déjà fait. »

Plus de 500 Rosnéens ont pris part à l’enquête publique. 90 % de leurs observations sont critiques vis-à-vis du projet. Elles seront transmises à Jean-Paul Fauconnet, maire de Rosny-sous-Bois, début 2023. Lui seul a le pouvoir de valider les permis de construire. Si c’est le cas, ce sont 28 mois de travaux que le quartier va subir, en plus de ceux de la ligne 15 Est, qui sont amenés à durer jusqu’en 2030. Rosny-sous-Bois est loin d’en avoir terminé avec le béton.