Les refuges animaliers se préparent à une hausse des abandons

Les chats et les chiens sont les premiers concernés par l'abandon en fin d'année.

La flambée du prix des produits pour animaux décourage l’adoption alors que les associations, déjà pleines à craquer, craignent le moment des fêtes de fin d’année. C’est la deuxième grande période d’abandon après les départs en vacances.

Si les vacances d’été sont synonymes d’une hausse des abandons d’animaux, la période post-fêtes de fin d’année l’est tout autant. “Passé Noël, on recueille beaucoup de chiots de race à 1000€, des souris et des lapins achetés 15€ en animalerie, soupire Anne-Sophie Perillat, responsable du refuge SPA de Cluses (Haute-Savoie). Des animaux que leurs propriétaires ont gardés entre trois jours et un mois.” Entre décembre 2021 et février 2022, la SPA a recueilli plus de 5 000 bêtes, soit 11,11 % des compagnons abandonnés en un an. Si les canidés et les chats sont les premiers touchés, les NAC (nouveaux animaux de compagnie) – reptiles, oiseaux, rongeurs – sont aussi concernés. L’animal placé sous le sapin devient vite un poids économique pour des familles qui “s’en débarrassent comme d’un bien de consommation” quelques semaines plus tard. 

L’animal considéré comme un « bien de consommation » devient vite un poids économique pour ses propriétaires. Crédits : Juliette Pommier.

« Tout coûte plus cher »

A Noël, deux profils d’acheteurs se dessinent : ceux “qui veulent adopter” et ceux à qui l’“on offre un animal comme un objet”, explique la responsable. Dans le premier cas, le coût d’un compagnon est bien souvent sous-évalué par les propriétaires. “Ils ne prennent pas conscience des besoins de l’animal. Pour eux un chien c’est beau, c’est gros, ça donne de l’amour.” Problème : les frais d’alimentation et de santé s’accumulent très vite. Alors qu’en 2022, le prix des produits animaliers a augmenté de 13%, l’inflation va encore croître. Début novembre, Michel-Edouard Leclerc, directeur des enseignes leaders de la grande distribution, a annoncé une hausse de 41% pour 2023. Dans les rayons de l’animalerie Moustaches à Paris, “tout coûte plus cher”, constate Karine, venue refaire son stock de croquettes pour son border collie Dolce. Pour un paquet de 4kg, elle débourse 32,50€, contre 29€ au printemps. Même son de cloche pour Léon et son siamois Gribouille : le sac de litière de 6kg est passé de 26€ à 32€. Quant à ceux qui reçoivent un animal sans l’avoir choisi, ils peuvent très vite être dépassés “par des dépenses non prévues”.

Le prix des produits animaliers devrait augmenter de 43% en 2023. Crédits : Juliette Pommier.

Les refuges pleins à craquer

Difficulté supplémentaire cet hiver, les refuges sont déjà pleins à craquer. 3724 animaux sont à l’adoption dans les 75 refuges, maisons SPA et dispensaires du territoire. Un chiffre en constante augmentation. Le week-end dernier, le centre d’Essuiles-Saint-Rimault (Oise) ouvrait ses portes pour trouver un foyer à ses pensionnaires. 70 chats et 60 chiens attendent. Le manque d’adoptions ne permet pas de recueillir de nouveaux pensionnaires et ce, “malgré de nombreuses demandes d’abandon”, poursuit Anne-Sophie Perillat. “Pendant la crise sanitaire, les adoptions ont connu un bond : besoin de s’occuper, avoir une raison de sortir…”, raconte Anissa Putois, responsable médias chez Peta (People for the Ethical Treatment of Animals), association de défense des droits des animaux. “Avec la fin du télétravail, les propriétaires sont revenus au bureau. Certaines bêtes ne l’ont pas supporté et ont développé des tocs”. Les problèmes de comportement sont la troisième cause d’abandon.

Si la législation actuelle punit l’abandon d’un compagnon domestique de trois ans de prison et 45 000€ d’amende, il reste encore beaucoup à faire. La loi visant à lutter contre la maltraitance animale et à conforter le lien entre les animaux et les hommes, promulguée en novembre 2021, instaure de nouvelles règles pour l’adoption. Notamment, la création d’un certificat d’engagement et de connaissance des besoins spécifiques de l’espèce. Mis en œuvre depuis le 1er octobre 2022, c’est une première étape pour “limiter les achats impulsifs”, souligne la porte-parole.  Peta plaide aussi pour l’interdiction de la vente en ligne de compagnons domestiques. Sur le site Leboncoin, les annonces de vente d’animaux sont légions. “Un marché parallèle”, qui favorise les “adoptions non réfléchies”, déplore la responsable. Au refuge de Cluses, une adoption commence toujours par une série de questions : “Si vous vous séparez, êtes hospitalisé qui s’occupera de l’animal ? Vous avez bien conscience du budget que représente un chat, un chien ? …”, ajoute Anne-Sophie Perillat. “On refuse aussi les adoptions pour une tierce personne : accueillir un animal doit être un choix.”

La stérilisation plutôt que l’euthanasie

Christophe Bonal, vétérinaire à Gramat (Lot), milite lui pour la stérilisation. Co-signataire d’une tribune de 100 professionnels contre l’abandon, parue l’année dernière dans le JDD, il explique : “Cela évite un tas de portées non désirées et limite l’euthanisie de bêtes en pleine santé.” Sans stérilisation, une chienne et sa progéniture peuvent mener à la naissance de 67.000 chiots en à peine six ans, et en sept ans, une chatte et ses petits peuvent engendrer le nombre astronomique de 370.000 chatons, d’après Peta. “L’opération permet également d’éviter à l’animal des maladies graves : tumeurs aux mamelles, aux ovaires ou testicules, cancer de l’utérus, infections prostatiques…”, complète le médecin. Mais pour lui, tout ne doit pas passer par des lois. “La législation existe déjà mais les gens ne la respectent pas.” Il préfère privilégier “la prévention et l’éducation du public”. Prochaine étape dans la lutte contre la maltraitance animale : à partir du 1er janvier 2024,  “pour des raisons éthiques et sanitaires” la vente de chiens et de chats sera interdite.

Juliette Pommier