À l’approche de l’hiver, l’armée russe intensifie ses frappes contre les infrastructures énergétiques ukrainiennes

Les pompiers luttent contre l'incendie provoqué par des frappes russes sur une centrale électrique à Kharkiv, le 11 septembre 2022. Kostiantyn Liberov / AP

Plus de 1 000. Depuis le 10 octobre 2022, c’est le nombre de missiles et de drones kamikazes russes tirés sur des infrastructures énergétiques ukrainiennes. Un tournant dans le conflit et une nouvelle stratégie pour la Russie, alors que l’hiver approche et les températures dégringolent.

Mercredi 14 décembre 2022 au matin, 13 drones de l’armée russe en direction de Kiev ont été abattu. Un soulagement pour l’Ukraine, alors que le pays voit ses infrastructures énergétiques victimes des frappes ennemies.

Depuis le 10 octobre, plus de 1 000 missiles ont été tirés, et le trop léger système de défense anti-aérien n’a pas pu tous les neutraliser. L’intégralité des centrales thermiques et hydroélectriques sont ciblées, et près de 40% des installations du réseau haute tension endommagées.

Pour l’Ukraine et sa population, les conséquences sont déjà annoncées comme importante. Dans une publication Facebook postée le 11 décembre, le premier ministre Denys Shmyhal donnait le ton. « Nous devons chacun accepter que cet hiver, nous devrons faire face à de sérieuses restrictions sur notre consommation d’électricité ». Celle-ci est d’ailleurs déjà rationnée par les autorités.

Sur Facebook, le Premier Ministre ukrainien Denys Shmyhal alertait sa population des conséquences des frappes russes pour l’hiver.

Un changement de stratégie russe

Pour la Russie, ces bombardement méthodiques correspondent à un changement de stratégie. A l’approche de l’hiver et avec la chute des températures, impacter la capacité de production électrique ukrainienne permet de causer restrictions de chauffage, problèmes d’éclairages et complications dans l’approvisionnement de l’eau. Une manière de mettre sous pression la population, et par extension le gouvernement ukrainien. « Attaquer le réseau électrique permet de toucher beaucoup de secteurs« , précise Cédric Mas, historien militaire et analyste du conflit. « Par exemple, sans lumières et sans chauffage pour l’hiver, c’est difficile de faire fonctionner les hôpitaux, les couveuses pour maternité, les machines pour des opérations, etc. »

Le général Sergueï Vladimirovitch Sourovikine, fer de lance de la stratégie russe contre les infrastructures énergétiques ukrainiennes (crédit Mikhail Metzel)

Cette stratégie est avant tout l’œuvre du général Sergueï Vladimirovitch Sourovikine. En charge depuis le 8 octobre 2022 de l’offensive russe en Ukraine, cet ancien chef d’état-major dans l’aviation s’était fait remarqué par des opérations similaires en Syrie, où la Russie cherchait à maintenir le dictateur Bachar Al-Assad au pouvoir. « Son but, c’était de cibler les infrastructures civiles pour rendre impossible la vie dans les zones rebelles, et saper leurs moyens d’actions ». Pour Cédric Mas, c’est de la techno-guérilla. « On cherche les maillons faibles du dispositif ennemi pour le vaincre et l’abattre ».

Un conflit bouleversé ?

Une tactique suffisante pour infléchir le cours de la guerre en faveur de la Russie ? Dans la nuit du 9 au 10 décembre 2022 par exemple, une attaque de drones kamikazes russes ciblait plusieurs centrales dans l’oblast d’Odessa au sud-ouest de l’Ukraine, privant 1,5 millions d’habitants d’électricité. Et le 23 novembre, déjà, trois centrales nucléaires sous contrôle de Kiev devait être temporairement débranchés, faute d’alimentation.

Mais pour la plupart des observateurs, il est encore trop tôt pour jauger l’efficacité de cette opération. « Certes, il y a eu des manifestations locales pour critiquer le manque d’électricité et de chauffage, mais ça reste très marginal, avance Cédric Mas. « En réalité, la population ukrainienne n’a pas le choix : soit elle résiste, soit elle se laisse envahir. Au final, la stratégie des bombardements ne parvient pas à scinder la population en deux : les ukrainiens soutiennent encore plus Volodymyr Zelensky. ».

Celui-ci n’a d’ailleurs pas tarder à proposer une solution pour contre les coupures de courant. Le mardi 22 novembre 2022, le président ukrainien annonçait la mise en pace de 4 000 centres dit « d’invincibilité ». Des espaces accessibles autant en cas de bombardements qu’en cas de pannes d’électricité, avec un accès à l’électricité, au chauffage, à l’eau, ou encore à internet et au réseau téléphonique.

Quentin Le Van et Juliette Pommier