Les repas à la cantine, leurs beignets de calamars et leurs légumes insipides ont traumatisé notre enfance. Mais le quotidien au réfectoire des petits Parisiens pourrait être bouleversé dans les prochaines années. Fin octobre, la plateforme des soutiens à Anne Hidalgo a proposé de créer une structure nommée AgriParis dont l’objectif serait d’approvisionner la restauration collective de la capitale avec des denrées alimentaires locales et saines. Aurélie Solans est élue au Conseil de Paris, et conseillère déléguée à l’environnement auprès de la maire de Paris. 

Comment se matérialisera cette structure ?

L’idée est née dans le cadre de la campagne électorale et reste aujourd’hui à l’état de projet. Nous désirons créer une structure qui viserait a doter Paris d’un outil d’approvisionnement de notre restauration collective (cantines, mais aussi maisons de retraite, crèches, restaurants solidaires) : au total, cela représente 30 millions de repas par an.

Son statut juridique n’est pas encore arrêté, mais elle pourrait prendre la forme d’une société d’économie mixte (SEM). Grâce à elle, nous souhaitons aussi impulser des filières biologiques et nous positionner en acteur de la transition agricole du bassin parisien, qui nous semble une échelle plus pertinente que l’Ile-de-France pour construire le projet.

Vous parlez d’alimentation durable, est-ce que votre structure ne fournira que du bio ?

A terme, nous souhaitons proposer à notre restauration collective des produits tous issus de l’agriculture biologique, ou certifiés par des labels comme le label rouge pour la viande. 

Mais cela se fera probablement par étape, le temps de créer une offre biologique suffisante. Aujourd’hui, le bassin parisien n’est pas en mesure de fournir des denrées biologiques suffisantes. Nous souhaitons accompagner des structures qui opèrent leur conversion en bio (qui dure trois ans).

À quel horizon envisagez-vous que les repas servis dans la restauration collective soient 100% locaux ?

Nous ne nous engageons pas à atteindre une alimentation 100% locale, la promesse serait démagogique : ce n’est ni envisageable ni pertinent. Certains fruits et légumes cultivés dans le sud peuvent avoir un bilan carbone intéressant. Nous tenons également à préserver certains produits du commerce équitable, comme les bananes ou le chocolat, par exemple. 

Comment réagit l’agriculture francilienne à votre proposition ? N’y-a-t-il pas un risque de rejet d’une proposition trop centrée sur Paris ?

Nous avons déjà beaucoup discuté avec les représentants agricoles d’Ile-de-France, et nous constatons un intérêt très fort à l’égard d’AgriParis. Nous ne souhaitons pas monter un projet parisiano-centré, mais nous mettre autour de la table avec les agriculteurs du bassin afin d’impulser des filières qui pourront aussi bénéficier aux territoires concernés, et seront pourvoyeuses d’emploi. 

Pour cela, une diversification est nécessaire : non seulement en fruits et légumes, mais aussi en encourageant des cultures de protéines végétales dans le but de diminuer progressivement la consommation de viande. Or, en agriculture biologique, la céréaliculture permet des rotations avec des légumineuses. Il y a également un véritable enjeu sur l’arboriculture. Le bassin parisien avait une belle tradition arboricole, qui peine à survivre aujourd’hui, faute d’un modèle économique viable : nous souhaitons encourager ce secteur. 

Comment AgriParis construira-t-elle ce partenariat ? En achetant des terres agricoles ?

À ce stade, je ne peux parler que des objectifs : fournir une alimentation plus saine et plus durable, garantir une rémunération juste des agriculteurs, agir pour la protection des surfaces agricoles et raccourcir les circuits d’approvisionnement. 

Je ne sais pas quelle forme prendra son investissement. Ce qui est certain, c’est qu’AgriParis n’achètera pas de terres. Elle prendra peut-être des parts dans des exploitations existantes, et apportera un soutien financier pour des conversions vers une agriculture biologique.

Ne risquez-vous pas d’être freinés par les pouvoirs publics, en cherchant à bousculer la céréaliculture francilienne, dont la compétitivité à l’échelle européenne présente un fort enjeu économique ?

Il y a effectivement une bataille très forte au sein de l’Union européenne. Mais la France a tout intérêt à construire une filière céréale bio, c’est un atout à valoriser et c’est miser sur l’avenir. L’enjeu environnemental et sanitaire est trop important pour s’arrêter à ce type de blocage. La Ville de Paris contribue au rôle de plaidoyer auprès de l’Union européenne et de la PAC, nous continuerons d’avancer coûte que coûte.

 

Propos recueillis par Nolwenn Jaumouillé

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