
Notre niveau de protection sociale peut-il survivre face notamment à la baisse du volume de travail ou à l’accroissement du nombre de retraités ? Le sujet était au coeur d’une table ronde ce mercredi aux Jéco. Les réponses ont alterné entre pessimisme et optimisme relatif.
Pour les nations de l’OCDE, la mission sauvetage est lancée : la protection sociale doit survivre à un XXIe siècle qui s’annonce, pour elle, aussi dangereux qu’incertain.
L’avenir du travail est indécis en ce début de siècle, notamment à cause de la robotisation, qui pourrait bien monopoliser l’emploi et en priver les individus. Pierre Habbard, secrétaire général par intérim auprès de l’OCDE, se veut néanmoins optimiste « Le marché du travail s’est toujours adapté aux ruptures technologiques. Le dernier exemple en date, c’est la mécanisation dans les années 50, qui a plus boosté l’emploi qu’elle ne l’a détruit. »
Mais plus que la robotisation, c’est le rapport travailleurs/inactifs qui inquiète réellement. « Contrairement à la rupture technologique, l’augmentation du nombre de retraités est, elle, inéluctable, déplore Ana Llena-Nozal, économiste des politiques sociales. La perte de travailleurs actifs oblige à se demander comment assurer les retraites, qui reste la priorité absolue pour tous les États développés. Ils s’efforcent de maintenir au maximum les niveaux de retraites, en modifiant du coup les autres variables pour épargner celle-ci. »
L’objectif est donc de maintenir un taux d’activité élevé malgré le vieillissement de la population. Pour cela, les nations ciblent principalement les groupes ayant des difficultés à trouver un emploi (pour des raisons sociales, économiques, culturelles), afin de les aider spécifiquement à devenir actif. Cela a un double avantage : augmenter le nombre de travailleurs, tout en diminuant le nombres d’allocataire. Une économie d’argent et une création de richesse, permettant de distribuer d’autant plus aux retraites.
Unifier pour mieux rentabiliser
Pour tous les intervenants de la conférence « Quelle protection sociale au XXIe siècle ? », les nations doivent devenir des états sociaux modernisés, devant l’interlocuteur unique et en privilégiant au maximum la simplicité. « On voit cette tendance notamment au Royaume-Uni, où il y a un regroupement des cotisations sociales », indique Ana Llena-Nozal. Simplifier la protection sociale, notamment son administration, apparaît comme la façon la plus efficace de diminuer ses coûts, et donc de pouvoir mieux la rentabiliser.
« A terme, on envisage même ce qu’on appellerait le portail numérique unique, pour gérer tout au long de la vie l’information qui conditionne les montants d’aides (familiales, sociales, handicap, etc, auxquelles chaque individu a droit, afin qu’il n’est pas à refaire les démarches continuellement, poursuit Olivier Bargain, professeur de sciences économiques à l’Université de Bordeaux. On voit déjà une aide de plus en plus automatisée, notamment avec la déclaration sociale nominative (DSN), qui donne l’information quasiment en temps réel entre les entreprises et les administrations. C’est déjà un processus en marche, qui doit encore se développer. »
Hélène Paris, secrétaire général au Conseil d’analyse Economique, confirme que la généralisation des données est déjà en cours depuis longtemps : « On trouve des traces de ce phénomène dès les années 70, avec la prestation familiale en 1977. La Couverture Maladie Universelle (CMU) date elle de 1999, soit tout de même près de 20 ans. On ne peut pas parler de mécanisme nouveau. »
La protection sociale devrait donc survivre aux nombreux défis de demain. Mieux encore, le XXIe siècle pourrait même lui être bénéfique. « Un système plus intelligent nécessite des individus ayant mieux conscience de leurs droits et de leurs protections. La formation des citoyens à la compréhension des mécanismes des protections sociales sera une étape de ce siècle », confirme Olivier Bargain. Pour ce nouveau siècle comme pour les précédents, le savoir reste une arme, elle aussi pleine d’efficacité.
Jean-Loup Delmas