
La France est l’un des pays européens où l’imposition est la plus forte, couplée à des dépenses publiques records au sein des pays développés. Problème, un bon nombre de Français estiment ces dépenses inefficaces, entraînant une sévère critique des impôts, prélèvements et autres taxes. Le sujet a fait débat, mercredi, à la conférence « Faut-il baisser les dépenses publiques ».
C’est l’un des chiffres les plus cités de l’économie française. Les dépenses publiques du pays représentent 57% de son PIB. Un pourcentage record, alors que la moyenne des pays développés n’est que de 41%. Cette singularité française, corrélée à une croissance molle, a amené de nombreuses critiques envers un potentiel excès de dépenses publiques, ainsi qu’une impopularité des impôts, jugés trop élevés et peu efficaces.
Si elle est en effet en tête du classement des pays européens en matière de dépenses publiques, la France n’est pas un cas isolé. L’Italie, les pays scandinaves, la Belgique, l’Autriche et la Grèce connaissent tous des dépenses publiques supérieures à 50% de leur PIB respectif. Mais c’est en France que les critiques sont les plus virulentes.
« Les pays scandinaves assument cette dépense publique, contrairement à la France, rétorque Boris Cournède, chef adjoint de la division des finances à l’OCDE. En soi, avoir des dépenses publiques élevées, ce n’est pas grave, si la politique économique suit. Mais avoir des dépenses peu efficaces, cela devient tout de suite plus problématique, et c’est exactement le cas de la France. »
Des institutions critiquées
Un problème dont les Français se sont rendus compte, renforçant les critiques sur les taux élevés d’imposition du pays. S’ils sont historiquement attachés au système de Sécurité sociale et de protection des retraites, ils sont de plus en plus sévères sur les instances régaliennes, jadis considérées inattaquables. « Beaucoup de Français se demandent notamment si le système éducatif vaut le coût de ce qu’ils paient chaque année en impôts, estime Etienne Blanc, premier vice-président de la Région Auvergne Rhône-Alpes. Il en va de même pour beaucoup d’autres grands services nationaux. Les Français paient énormément d’impôts et de taxes mais ne sont pas satisfaits de ce qu’en fait l’Etat, ce qui amène forcément à une critique de celui-ci. »
"Les Français ont compris que des dépenses publiques élevées ne sont pas un gage de réussite des services publiques." @blanc_etienne, vice-président de la région. La fin d'une désillusion. #JECO2017 #IPJjéco
— Jean-loup Delmas (@JeanloupDelmas) November 8, 2017
Autre problème, la dette publique en France est énorme, représentant 96% du PIB. « Or, quand on paie beaucoup d’impôts, et qu’on a beaucoup de prélèvements obligatoires, ce qui est le cas des Français, on s’attend à avoir une dette basse », souligne-t-il. Il suffit de voir les dettes des pays scandinaves : 63% du PIB pour la Finlande, mais surtout seulement 41% pour la Norvège, 38% pour le Danemark et 30% pour la Suède. Cette dernière, dont le modèle est souvent cité en exemple (voir notre interview de Wojtek Kalinowski), dispose d’une population qui se dit prête à payer plus d’impôts. Loin d’être le cas en France. « Le déficit public montre que notre consentement à l’impôt est plus faible que notre appétit de la dépense, explique Jean Pisani-Ferri, professeur à Sciences Po. Il y a avant tout une crise du système de prélèvement, qui est très peu visible. Quand on paie des contributions de plusieurs manières, on se dit rarement ‘Je paie tant pour la retraite, tant pour la santé, tant pour l’éducation.’ On ne voit pas ce que nos impôts apportent concrètement. »
« En Suède, les prélèvements obligatoires sont beaucoup plus transparents, notamment parce qu’ils permettent des recettes locales, abonde Wojtek Kalinowski. L’Etat social suédois s’est construit d’emblée en décentralisation, là où la France augmente les impôts locaux tout en gardant leurs bénéfices centralisés, ce qui pose problème. » L’OCDE affirmait récemment que les pays avaient de meilleurs performances quand la décentralisation des dépenses s’accompagnaient d’une décentralisation des recettes.
La décentralisation qu’opère progressivement le pays devrait donc rendre plus efficaces les dépenses publiques, et permettre une meilleure compréhension des taxes et des impôts pour les financer. Wojtek Kalinowski veut y croire : « Les Suédois ne sont pas plus généreux que les autres, ils constatent juste que leur système social fonctionne donc y adhèrent. Le jour où l’Etat sera performant en France, les Français cesseront de payer leurs impôts à reculons. »
Jean-Loup Delmas