Un chômeur s’invite à la conférence « Dans le cerveau d’un demandeur d’emploi »

Nous avons confronté le point de vue de Wassim, chercheur d’emploi depuis plus d’un an, avec ceux des intervenants de la conférence « Dans le cerveau d’un chercheur d’emploi », ce mercredi. Entre théorie et réalité, les perceptions se croisent.

« C’est de mon cerveau dont on parle, alors je pense que j’ai mon mot à dire », interrompt un homme dans l’audience de l’espace culturel Saint-Marc. Coiffé d’une casquette, le demandeur d’emploi apostrophe les cinq intervenants : « C’est un vide immense que l’on ressent. » Ils hochent la tête. La modératrice et chercheuse au CNRS, Marie-Claire Villeval, lui répond par une pirouette : « Quelqu’un nous a posé la question ‘pourquoi nous n’avions pas invité de demandeur d’emploi’, je suis ravie que vous soyez intervenu. »

Le titre de la conférence « Dans le cerveau d’un chercheur d’emploi » et l’absence de demandeur d’emploi à la table ronde donnent à réfléchir. Les trois premiers intervenants enchaînent les chiffres et les concepts. Nudging, aversion à la perte, surpondération de la désutilité, ignorance stratégique… Des mots aussi beaux qu’intéressants mais dont la traduction concrète peine à se faire comprendre.

A la sortie de la réunion, nous rejoignons Wassim pour lui faire part des arguments des invités et recueillir ses réactions. Lyonnais, au chômage depuis avril 2016, Wassim était auteur de billets d’humeur sur les ondes grenobloise de New’s FM. Il rit en découvrant le titre de la conférence, constatant : « Personne ne peut comprendre ce qu’il se passe dans la tête des chômeurs. »

Cet homme de 33 ans ne souhaite pas accepter n’importe quelle offre de travail. « Je refuse de travailler par nécessité dans un secteur qui ne me plaît pas. J’ai confiance en la qualité de mon travail », assure le Lyonnais. Inscrit en tant que demandeur d’emploi à Pôle Emploi mais ne touchant pas d’indemnisation, il juge les propositions qui lui ont été faites rares et inappropriées. Wassim raconte : « On m’a suggéré de travailler dans le bâtiment. Je ne fais pas de la construction pour me déconstruire. »

Marie-Claire Villeval appellerait ce genre de comportements « des aversions à la perte ». Les chômeurs refuseraient un travail moins bien payé que leur ancien poste. « Les demandeurs d’emploi ont tendance à être en sur-confiance en sous-estimant la potentialité de ne pas retrouver un travail. Beaucoup refusent de se reconvertir professionnellement car ils projettent leurs envies présentes sur le futur », explique-t-elle.

« Cela n’a rien à voir avec l’argent. C’est une question d’estime de soi. Je garde la mienne« , rétorque notre témoin.

L’endurance face au découragement

La déléguée générale adjointe de l’association Solidarités Nouvelles face au Chômage, Hélène Cazalis, conteste aussi la suggestion de la chercheuse. « Je travaille quotidiennement avec des chercheurs d’emploi et les cas de sur-confiance en soi sont marginaux« , note-t-elle. « Une demandeuse d’emploi m’a dit, un jour, que le chômage était comme une course de fond contre le découragement« , rapporte-t-elle.

«  Je n’ai pas perdu en motivation mais je suis d’accord. Souvent après avoir été refusé ou ignoré, je me dis qu’on verra bien ce qui se passera et je ne cherche plus pendant un petit moment », résume Wassim.

Gaëlle Caradec