
Au cours des cinquante dernières années, plusieurs pays asiatiques ont connu une incroyable croissance économique. Le « miracle économique japonais » a ouvert la voie aux Dragons (Corée du Sud, Hong Kong, Singapour, Taïwan), aux Tigres (Malaisie, Thaïlande, Indonésie, Vietnam, Philippines) puis, bien sûr, à la Chine. Force est de constater que le modèle asiatique ne se transpose pas vraiment ailleurs…
Pourquoi les pays africains ou sud-américains en développement n’empruntent-ils pas les recettes des miracles asiatiques ? C’est l’une des questions à laquelle ont tenté de répondre les intervenants de la conférence « Y-a-t-il un modèle de développement asiatique ? » durant les Journées de l’économie.
« Dans les années 1950, les niveaux de vie au Mexique et en Corée égaux. » rappelle d’emblée Robert Boyer, économiste associé à l’Institut des Amériques. Aujourd’hui la Corée du Sud, devenue un pays développé à part entière, présente un PIB par habitant trois fois supérieur à celui du Mexique. « Les avantages asiatiques sont le fruit d’une politique menée par des Etats stratèges chargés de coordonner les efforts et faire progresser leur pays dans la division international du travail. » poursuit l’économiste.
A ses yeux, la difficulté d’imiter les modèles asiatiques pour les pays d’Amérique latine se situe non seulement dans la faiblesse des Etats, incapables d’organiser la redistribution des richesses, mais aussi dans la médiocrité des systèmes éducatifs et l’insuffisance des investissements industriels. Ces pays se reposant avant tout sur l’exportation de matières premières.« A un moment donné, on a parlé de pays émergents. Mais parmi ces pays, il y avait des rentiers et des industriels », conclut l’expert.
Un train difficile à rattraper pour l’Afrique
Pour effectuer le parallèle avec l’Afrique, Bruno Cabrillac, directeur général adjoint des études et des relations internationales à la Banque de France, reprend à son compte la comparaison entre l’économie sud-coréenne et celle d’un pays africain. « Dans les années 1950, le PIB par tête en Côte d’Ivoire était supérieur à celui de la Corée ». Désormais, il lui est 18 fois inférieur.
Selon lui, les conditions initiales pour une croissance expansive basée sur l’accumulation de travail et de capital ne sont pas réunies sur le continent. En effet, outre le taux de scolarisation faible, 30 à 50% des Africains sont sans emploi. Difficile dans ces conditions de profiter du dividende démographique de ces pays. « D’autant que les modèles d’industrialisation des pays asiatiques sont plus difficiles d’accès aujourd’hui », explique l’intervenant. En cause, la concurrence même de la Chine et de pays émergents comme le Vietnam. Face à eux, l’Afrique souffre notamment d’une absence d’avantage comparatif en coût unitaire du travail, malgré des salaires très bas, ainsi que d’un retard d’urbanisation difficile à combler, même si celle-ci devrait doubler d’ici 15 ans sur le continent.