
Chaque année, à l’occasion des Jéco, la Banque de France publie un sondage sur le rapport des Français à l’économie. Quel intérêt portent-ils à ces sujets ? Quel est leur niveau de connaissances ? Quels sont les grands défis économiques à relever ? Après 18 mois de pandémie et de « quoi qu’il en coûte », l’écologie et le financement du modèle français semblent intéresser les Français, comme nous l’explique Dominique Rougès, adjoint au directeur de la communication de la Banque de France.
Les effets de la crise sanitaire sont encore très présents, mais on voit aussi l’arrivée, ou le retour, d’autres thèmes qui intéressent les sondés. Pensez-vous que les effets de la crise sanitaire vont continuer à se faire ressentir encore longtemps, ou alors que l’on amorce un « retour à la normale » ?
Plusieurs indicateurs laissent penser qu’on revient vers un cursus de vie normale. Dans les thèmes d’information prioritaire, l’emploi et la croissance ont reculé. On perçoit qu’on sort de la crise, qu’on en sort assez vite, et que ce qui inquiétait au moment de la crise inquiète beaucoup moins. En revanche, ce qui apparait et reprend de l’acuité, ce sont les finances publiques. En sortie de crise, en sortant du « quoi qu’il en coûte », on voit que la question du financement pérenne d’un certain nombre de dépenses nécessaires est bien présente. Les questions d’avant réémergent, et une nouvelle question se greffe, sur le financement de notre modèle social.
Que conclure des autres changements dans le mode de vie dûs à la crise sanitaire ?
On voit qu’ils ont pu affecter certaines personnes dans leurs usages courants, par exemple le télétravail ou les achats en ligne. Mais finalement, ce n’est pas si structurant que cela. 44% des interrogés disent qu’il n’y a pas de changement pour eux. On est en sortie de crise, et certains voient qu’il n’y a pas eu de bouleversements.
Êtes-vous étonné par la place que prennent les enjeux de changement climatique dans les réponses ?
C’est un thème qu’on a vu monter année après année. Sous le quinquennat précédent, ces questions concernaient de plus en plus de personnes, surtout des jeunes. Maintenant, les institutions, les pouvoirs publics, le secteur bancaire, un certain nombre de grands acteurs économiques se disent qu’ils doivent se mettre en ordre de bataille. La question devient centrale pour les grands défis de l’économie.
Justement, dans les acteurs les plus importants, l’Etat est toujours cité en premier. Est-ce un témoignage d’une véritable confiance, ou plutôt une habitude culturelle ?
Je pense que c’est une habitude. La France est un pays centralisateur, l’Etat joue un grand rôle, dans un certain nombre de fonctionnements. Mais on voit que les sondés se sentent aussi concernés, qu’ils estiment que les collectivités locales et les citoyens doivent aussi prendre leur part. Ils revendiquent donc une partie des actions, et ça, c’est un peu nouveau.
Comment vous expliquez, ou tentez d’expliquer, le niveau moyen déclaré et l’intérêt pour l’économie des répondants ?
Sur l’intérêt pour l’économie, d’une certaine manière, cela recoupe beaucoup les clivages que l’on voit en termes de catégorie socioprofessionnelle, de niveau de revenu, et également d’âge. Quand on est au-dessus de 35 ans, en CSP+, avec un bon niveau d’éducation, on s’y intéresse plus. Quand on est dans les CSP-, ou parmi les plus jeunes, avec des niveaux de revenu autour du Smic, on s’y intéresse peu. Et c’est un chiffre qui est stable dans le temps. En ce qui concerne les connaissances de l’économie, c’est un jugement autoporté, sur des connaissances qu’on pense que l’on a, ou pas. Là, de façon très classique, comme sur d’autres sujets, les Français ne vont pas se considérer comme très pointus, ni comme très faibles, ils se disent moyens.
Pour le coup, pour les questions concrètes, qui concernent le niveau de vie ou la hausse des prix par exemple, les sondés savent mieux se positionner et évaluer…
Quand il s’agit de questions économiques qu’ils vivent concrètement, qu’il s’agisse de leurs budgets, la façon dont ils le répartissent, des prix ou de leurs évolutions qui les touchent concrètement, ils ont ces notions et cette compréhension. Mais ils seraient en peine de décortiquer un certain nombre de mécanismes.
Avez-vous déjà commencé à vous projeter pour 2022, savez-vous déjà quels thèmes vous allez aborder ?
Non, pas encore. Dans le sondage, on garde un noyau de questions pour mesurer les évolutions, et on pose aussi des questions plus conjoncturelles. Je ne peux donc pas vous dire aujourd’hui quelles seront les questions d’actualité pointue de l’année prochaine. On parlera peut-être de la relance, de la croissance, sans doute aussi du plan d’investissement européen. Il y aura peut-être ces traces de la crise sanitaire, mais de la crise elle-même, on ne devrait plus beaucoup parler.
Propos recueillis par Maÿlice Lavorel
Le sondage a été réalisé par téléphone, début octobre 2021, auprès de 1 005 Français de 18 ans et plus.