Villes moyennes : comment rester attractives ?

Depuis le début de la crise sanitaire, les villes moyennes ont toujours plus la côte. Et pour garder ces nouveaux arrivants, élus locaux et pouvoirs publics doivent réfléchir au développement de ces territoires. Et investir. Le sujet était débattu ce mercredi aux Jéco.

 » En Auvergne – Rhône-Alpes, nous avons distribué 12 milliards de crédits immobiliers ces quatre dernières années, avec une partie de plus en plus importante dans les villes moyennes comme Villefranche ou Chambéry , explique Didier Bruno, membre du directoire de la Caisse d’Epargne Rhône-Alpes. Cela montre un frémissement. Le Covid a fortement accéléré ces tendances. « 

Villefranche-sur-Saône, une petite ville qui monte

Selon un sondage de l’Ifop de septembre 2021, réalisé pour le réseau immobilier OptimHom, 43% des gens préféraient acheter un logement dans une agglomération de taille moyenne.  Cet attrait pour ces 133 villes où vivent entre 20 000 et 100 000 habitants (définition de l’Insee) était déjà constaté avant la pandémie, mais a été fixé par le télétravail, qui a ainsi permis aux métropolitains, par exemple, de travailler hors de la capitale.

Développer le secteur industriel

Les villes moyennes  » représentent 9 ,5 millions d’emplois, soit plus d’un tiers des emplois dans l’Hexagone « , selon Nadine Levratto, directrice de recherche pour le laboratoire EconomiX du CNRS-Université Paris-Nanterre. Mais pour continuer de  » dé-métropoliser  » ces territoires sans oublier de les dynamiser, il faut y développer le secteur industriel.

Pour Vincent Charlet, délégué général de la Fabrique de l’industrie, ce n’est pas si simple.  » La capacité territoriale à créer des emplois industriels dépend plus d’un climat local aléatoire « , constate-t-il.  » On ne peut même pas tirer un enseignement général des bonnes pratiques observées sur le terrain, puisqu’elles sont toutes différentes. Par exemple, à Cognac, il y a une forte mobilisation autour du produit qui fait la fierté locale et crée des emplois. En Alsace, il n’y a pas de produit ni de secteur particulier mis en avant mais on retrouve tout de même une culture propre au développement industriel, une connivence entre tous les acteurs économiques. « 

Une donnée semble cependant sûre pour développer l’industrialisation des villes moyennes : les compétences.  » L’activation des ressources qui se trouvent en chacun de nous permet aux territoires de se réinventer « , conclut Vincent Charlet.

Transports en commun : un train de retard

Le développement des transports en commun est aussi un enjeu majeur pour les pouvoirs publics. «  La voiture et la marche à pied restent les moyens prédominants pour se déplacer dans ces villes moyennes, relève Bénédicte Guenot, directrice marketing du Groupe Keolis. Le réseau de transports en commun souffre encore d’une image d’usage faible. « 

C’est selon elle un levier essentiel pour d’attirer certaines populations, identifiées par une enquête qualitative de Keolis. «  Ce sont les retraités à la recherche d’un meilleur cadre de vie qui restent très actifs et font vivre l’économie locale culturelle, ou encore les plus de soixante ans qui se rapprochent des centres-villes car ils sont dépendants des services de transport, relate Bénédicte Guenot. Il y aussi les foyers les plus modestes que la grande ville éloigne à cause de l’augmentation du foncier et du coût de la vie. Et puis les fameux Parisiens qui ont occasionnellement besoin de rentrer dans la grande ville. « 

Un bon réseau de transports est une donnée importante pour les habitants qui veulent déménager.
Source : sondage Ifop pour OptiHome, 16 septembre 2021.

D’autant que cette dernière catégorie de personnes arrive de plus en plus dans ces villes moyennes.  » Elles sont habituées à un certain niveau de services mobilités. Ils attendent des bus et des trains aux heures creuses, le soir et le week-end ! « 

Le rôle des élus locaux

Formation, éducation, santé : les élus de ces villes moyennes doivent investir et se positionner comme de véritables « entrepreneurs territoriaux » pour y renforcer les services publics. Didier Bruno insiste sur le domaine du numérique, qui ne doit pas non plus être négligé.  » C’est un levier intéressant pour développer l’attractivité des villes moyennes, l’e-commerce ou le coworking, mais pour cela il reste le sujet des infrastructures dédiées à régler. « 

Même chose pour les logements. Des outils existent, mais reste à les utiliser comme ont commencé à le faire certaines villes moyennes. Les organismes de foncier solidaire permettent par exemple  » de stabiliser le prix du foncier et d’aider les foyers modestes à trouver un logement « ,  souligne Didier Bruno. L’économie sociale et solidaire doit selon lui être davantage mobilisée:  » La politique globale post-Covid est peut-être l’occasion de dissiper la concurrence ente les zones urbaines et de laisser place à la coopération. La confiance est au cœur de cette forme de résilience territoriale. « 

Juliette BOURGAULT