
Le gouvernement en fait toujours une de ses priorités, mais la réforme du système de retraites est-elle réellement nécessaire ? Quatre spécialistes ont livré leur analyse sur le sujet, en clôture de la première journée des Jéco 2022.
« Je vous le confirme, il y aura une réforme des retraites.» Ce mardi encore, la Première ministre Elisabeth Borne réitérait l’intention du gouvernement devant les député⸱e⸱s. Loin de l’hémicycle de l’Assemblée nationale, les Journées de l’économie donnaient rendez-vous au Palais des mutualités de Lyon pour débattre de ce projet, annoncé dès 2017, largement modifié et de nouveau au centre du débat politique.
« Il est souhaitable de prendre de nouvelles mesures incitant les Français à prendre leur retraite plus tard, et donc de relever l’âge effectif de départ à la retraite », estime François Ecalle, président de Fipeco, un site d’information traitant des finances publiques. Pour lui, une telle mesure aurait pour effet d’accroître la population active, et, à long terme, « d’augmenter l’emploi et la production ». Mais à court terme, il avoue également que cela aurait « un effet négatif sur le chômage ».
« Ce n’est peut-être pas le bon moment » pour une réforme
« On arrive dans un contexte de crise économique, donc ce n’est peut-être pas le bon moment », juge quant à lui Michael Zemmour, maître de conférence en économie à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Durant sa dernière campagne présidentielle, Emmanuel Macron promettait un report progressif de l’âge de départ à la retraite à 65 ans, contre 62 ans aujourd’hui. L’objectif : réaliser 12 milliards d’euros d’économie pour la retraite de base d’ici à 2027.
Mais selon Michael Zemmour, « il n’y a pas d’urgence à réformer, car l’analyse financière du système des retraites n’est pas effrayante ». Pour lui, le système actuel fait son travail, malgré des défauts pouvant être corrigés, comme le problème des « petites pensions » ou « la complexité des poly-pensionnés », ces personnes ayant eu des métiers très différents durant leur carrière.
Dans le débat public, c’est surtout la question de l’âge de départ à la retraite qui cristallise les tensions. Comme le rappelle Anne Lavigne, professeure d’économie à l’université d’Orléans, de nombreux pays de l’OCDE, dont l’Italie, le Japon ou le Royaume-Uni, ont déjà prévu de repousser l’âge limite.
Seul un senior sur deux travaille en France
Qui dit retraite différée, dit forcément impact sur le travail des seniors. « La France est à la traîne par rapport à d’autres pays », sur l’emploi des 55-64 ans, rappelle Emmanuelle Prouet, membre du département Travail, Emploi et Compétences à France Stratégie. En 2022, 53,8 % seulement des membres de cette tranche d’âge ont un emploi, contre 60,2 % sur l’ensemble de la zone euro, selon Eurostat.
Étroitement liée à la question des retraites, la question de l’emploi des seniors sera intégrée dans le nouveau projet de réforme des retraites du gouvernement, comme le confirme Olivier Dussopt dans Les Échos ce lundi. Trois mesures principales devraient y être incluses. La mise en place d’un « index » pour « inciter à l’emploi des seniors », un « droit à la reconversion » pour les salarié⸱e⸱s de métiers pénibles et une meilleure « prévention de l’usure professionnelle ». La réforme des retraites, qui devrait donc inclure ces mesures, « entrera en vigueur à l’été 2023 » selon le gouvernement.
Edgar Groleau