Patrice Geoffron : “L’Union européenne ne peut plus faire confiance à la Russie”

Lors de la table ronde “Sanctionner l’économie d’un pays : une solution ?”, Patrice Geoffroy professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine est revenu sur les sanctions prises par l’UE à l’encontre de la Russie. Il a questionné leur efficacité et rappelé l’importance d’une plus grande diversité dans l’approvisionnement en gaz des 27.

Qui, de la Russie ou de l’Europe, va remporter la guerre économique et énergétique ? Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, en février, le gaz russe est un des enjeux majeurs de la bataille entre Moscou et la plupart des États membres de l’Union européenne. Pour Patrice Geoffron, c’est une situation inédite : « C’est la première fois qu’un conflit majeur crée des irréversibilités avec le leader mondial du gaz naturel. Pendant la guerre froide, le gaz continuait d’être distribué. Aujourd’hui ce n’est plus le cas. »

Six mois après le début de l’invasion, 1,7 milliard d’euros ont été gelés. Mais ces sanctions sont très coûteuses à mettre en place et posent « un problème de cohérence dans leur application ». L’expert rappelle que 90% du gel des avoirs russes est réalisé par seulement six États membres. “Il faut interroger l’efficacité relative de ces amendements et réfléchir à l’équilibre entre sanctions et contre-sanctions.” Si jusqu’ici Moscou a pu contourner la législation, Pascal Geoffron l’assure : “l’embargo sur le pétrole brut, qui commencera en décembre, aura des conséquences majeures sur l’économie russe”.

Diversifier l’approvisionnement en gaz

Le conflit actuel a également mis en avant la nécessité pour l’Europe de s’approvisionner en gaz dans d’autres pays. “Nous sommes en train d’inventer la boîte à outils nécessaire pour parvenir à un équilibre dans lequel l’Europe continue d’être alimentée, même si le gaz russe est toujours vendu moins cher que les cours du marché mondial ”. Pour réduire leur dépendance au gaz russe, les 27 se sont notamment déjà tournés vers les États-Unis. L’Amérique, d’ailleurs, surfe sur la situation : ses exportations mondiales de gaz naturel liquéfié vers l’Europe ont augmenté de 75% en glissement annuel, en août 2022. “Avec Joe Biden, on ne se pose pas de question. Mais si Donald Trump et les Républicains revenaient au pouvoir, on ne recevrait pas autant de GNL, prévient l’économiste. Cette période doit nous convaincre d’accélérer la transition énergétique de l’UE et assurer une décarbonation globale. » Car c’est aussi la question d’un nouvel ordre économique mondial qui se pose. “Peu importe l’issue de la guerre, la Russie ne pourra plus être un partenaire économique fiable. L’Union européenne ne peut plus faire confiance à la Russie”, martèle Pascal Geoffron.

Juliette Pommier